La Commission électorale nationale indépendante (CÉNI) de Guinée a l'intention d'annoncer les résultats complets provisoires de la présidentielle «samedi ou dimanche», a annoncé vendredi soir son président, le général malien Siaka Sangaré, devant la presse.

Les habitants de Dixinn, en banlieue de Conakry, ont transformé ce bar au bord de la route en quartier général. Tous les soirs à 20h, ils quittent leur maison sans électricité pour regarder le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Au fil des jours, il égrène les résultats partiels de l'élection présidentielle à la télévision nationale.

Assis au premier rang, Souleymane Traoré prépare son cahier et son stylo. Il note les chiffres donnés par la CENI pour ensuite les comparer à ceux publiés par les camps des deux candidats. «C'est une élection très transparente et la CENI fait bien son travail, assure-t-il. Si on avait fait ça au premier tour, on n'aurait pas connu d'affrontements. Mais il a été mal organisé, et voyez les incidents qu'il y a eu dans le pays!»

Ces violences ont émergé après le premier tour, organisé le 27 juin, et marqué par de nombreuses irrégularités. Les deux principales communautés du pays, peule et malinké, se sont alors violemment affrontées: ce sont les ethnies des deux candidats en lice pour le second tour. En Guinée, il est impossible d'ignorer l'appartenance ethnique: ici les électeurs ont tendance à soutenir le chef qui représente leur groupe. Ainsi, les Peuls votent majoritairement pour Cellou Dalein Diallo, et les Malinkés suivent le professeur Alpha Condé.

Un Malien à la rescousse

La tension est grande entre ces deux ethnies: pour l'instant la Guinée n'a connu aucun président peul depuis son indépendance de la France en 1958, et une majorité de Malinkés refuse catégoriquement de «les» voir arriver au pouvoir. Dans l'entre-deux tours, tout a été bon pour attiser la haine entre les partisans des deux candidats. L'empoisonnement supposé de militants d'Alpha Condé par des commerçants peuls a conduit à des règlements de comptes, à Conakry et à l'intérieur du pays.

Pour éviter une généralisation de ces affrontements, il fallait à la CENI un président auquel aucune partialité ne pouvait être reprochée. Quatre mois auront été nécessaires pour le trouver, en la personne du général malien Siaka Sangaré.

Après avoir purgé les listes électorales et installé de nouvelles procédures, il est le garant du bon déroulement du dépouillement. C'est lui qui incarne pour les citoyens la régularité de ce scrutin, une position qui lui permet de désamorcer des débuts de crise, comme à Matoto, en lointaine banlieue de Conakry. Un homme aurait été vu en train de charger des documents officiels dans sa voiture: des témoins l'en ont empêché, et en moins de 30 minutes une centaine d'habitants du quartier avaient encerclé le bâtiment. Beaucoup ont dormi là, pour veiller à ce que les procès verbaux ne soient pas volés.

«Nous n'accepterons aucune irrégularité, aucune fraude, ont-ils clamé le lendemain matin. Nous voulons que la volonté du peuple soit respectée.»

Certes la force spéciale chargée de la sécurisation du scrutin est là, mais ces citoyens n'ont confiance qu'en le général Sangaré. Ils attendent, sous le soleil, que le président de la CENI se déplace. Accueillie sous les applaudissements de la foule, son intervention calme les ardeurs de ces électeurs en mal de démocratie. Ce Malien d'origine aura donc permis de désamorcer ce qui, il y a encore quelques semaines, aurait pu dégénérer en affrontements meurtriers.

En cette première élection présidentielle libre, les électeurs des deux camps sont sous pression. Le moindre soupçon de fraude peut faire sortir les gens dans la rue, et faire dériver la Guinée dans le chaos. Il n'est pas sûr que l'armée, divisée et souvent qualifiée d'indisciplinée, pourrait gérer cette crise.

Une situation qui inquiète la Cour pénale internationale. En visite à Conakry pour suivre l'enquête guinéenne sur les crimes commis en septembre 2009, la CPI en a profité pour rappeler sa compétence éventuelle concernant les violences électorales. Les magistrats de La Haye enquêtent actuellement sur les massacres qui ont entouré l'élection présidentielle au Kenya en 2008, et qui avaient causé la mort de plus de 1200 personnes.

***

28 septembre 2009

Impossible de conclure la campagne électorale guinéenne sans souligner le jour où la Guinée a sombré dans l'horreur: le 28 septembre 2009, les soldats de la garde présidentielle ont pris d'assaut un stade de Conakry où s'étaient rassemblés des partisans de l'opposition. Bilan: 156 morts et 109 femmes violées. Aucune accusation n'a encore été déposée contre les auteurs du massacre.