L'ancien chef de l'Etat ivoirien Henri Konan Bédié est sorti de son silence dimanche pour soutenir l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara au deuxième tour de la présidentielle le 21 novembre, face au président-candidat Laurent Gbagbo déjà parti à l'offensive.

Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), coalition dont MM. Bédié et Ouattara sont les ténors, «exhorte fermement à voter massivement pour le candidat Alassane Ouattara afin d'assurer au RHDP une victoire éclatante», selon une déclaration lue par l'ex-président après une réunion à son domicile à Abidjan.

Recevant son allié pour la quatrième fois en trois jours, M. Bédié a mis fin au silence qu'il observait depuis sa défaite au premier tour le 31 octobre (25,2%). Comme prévu à la naissance du RHDP en 2005, il a donné une consigne de vote en faveur du candidat d'opposition qualifié pour la finale.

Son mutisme avait renforcé les spéculations sur la solidité d'une alliance entre deux camps longtemps à couteaux tirés, dans le sillage du débat sur «l'ivoirité» lancé dans les années 1990 par des partisans de M. Bédié contre M. Ouattara (32% dimanche dernier), exclu du scrutin de 2000 pour «nationalité douteuse».

Cet appel survient alors que le Conseil constitutionnel a créé la surprise samedi en proclamant les résultats définitifs du premier tour, et surtout en fixant au 21 novembre le deuxième tour de cette élection historique censée clore une décennie de crise politico-militaire.

La proclamation des résultats définitifs était plutôt attendue pour le début de la semaine prochaine. Quant au vote, il avait été jusque-là «projeté» pour le 28 novembre par la Commission électorale indépendante (CEI).

Présidé par un proche de M. Gbagbo, le Conseil constitutionnel «a pris de vitesse» une opposition pas encore en ordre de bataille, a commenté pour l'AFP un diplomate à Abidjan, y voyant «un coup magistral» du chef de l'Etat (38% le 31 octobre).

Quelques heures plus tôt, M. Ouattara avait rejoint M. Bédié pour exiger un nouveau comptage des voix, au nom de «graves irrégularités».

Mais, affirmant n'avoir été saisi d'aucun recours dans les délais - ce que conteste le RHDP -, le Conseil a opposé une fin de non-recevoir aux deux alliés.

Pour l'opposition, il y avait urgence à se mobiliser, alors que le camp présidentiel fait flèche de tout bois contre M. Ouattara.

Le porte-parole du candidat Gbagbo, Pascal Affi N'Guessan, a donné le ton en le décrivant en «parrain de la violence politique et de la rébellion».

Pour les supporters du président sortant, l'ex-Premier ministre est - malgré ses fermes démentis - l'instigateur du putsch raté de 2002 qui a conduit à l'occupation du nord du pays par la rébellion des Forces nouvelles (FN).

Surtout, la rencontre jeudi à Dakar de M. Ouattara avec le président sénégalais Abdoulaye Wade a redonné vigueur aux accusations le désignant comme «candidat de l'étranger».

La présidence s'est emparée de cette visite, ouvrant même une crise diplomatique avec le Sénégal: elle a dénoncé une «conspiration» Wade-Ouattara et rappelé son ambassadeur à Dakar.

Pour beaucoup, ce durcissement augure d'une campagne de deuxième tour différente de celle, assez paisible, du premier tour. Elle sera «à hauts risques», prédit un cadre du parti de M. Bédié.