Le président ivoirien Laurent Gbagbo et l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara s'affronteront au second tour d'une présidentielle historique, destinée à effacer une décennie de crise politico-militaire.

Au premier tour dimanche, M. Gbagbo a recueilli 1 755 495 voix, soit 38,3% des suffrages, contre 1 480 610 voix pour M. Ouattara (32,08%), a annoncé le président de la Commission électorale indépendante (CEI) Youssouf Bakayoko, lors d'une cérémonie dans la nuit de mercredi à jeudi.

L'ex-chef d'Etat Henri Konan Bédié a réuni 1 165 219 voix (25,24%). Il tentait à 76 ans de reconquérir le fauteuil dont il fut chassé en 1999 par le premier coup d'Etat de l'histoire du pays.

Mais son Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, ex-parti unique), fustigeant «opacité» et «erreurs de calcul», a dénoncé avant même les résultats officiels «une volonté manifeste de tripatouillage», et exigé un «recomptage des bulletins de vote».

Les résultats complets provisoires des trois ténors et des 11 «petits» candidats doivent être transmis au Conseil constitutionnel pour validation et proclamation des résultats définitifs.

Le second tour doit être organisé 15 jours après la proclamation des résultats définitifs du premier. Le 28 novembre est la date le plus souvent évoquée.

Dans les jours précédant les résultats, la crainte de violences a conduit nombre d'Ivoiriens à rester chez eux. Abidjan, envahie de folles rumeurs, a eu dans certains quartiers des airs de ville fantôme.

Après la proclamation des deux qualifiés, la capitale économique est restée calme. Pas d'explosions de joie, et la turbulente «rue Princesse», prisée des noctambules, était déserte. Calme plat aussi à Bouaké (centre), fief de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) contrôlant le nord du pays depuis le putsch raté et la guerre de 2002.

Au pouvoir depuis 2000 malgré la fin de son mandat en 2005, M. Gbagbo, 65 ans, candidat de «La majorité présidentielle» (LMP), entend prendre sa revanche après avoir été privé du nord ivoirien depuis huit ans.

Le camp Gbagbo nourrit une grande hostilité à l'égard d'Alassane Dramane Ouattara («ADO»), qu'il accuse d'avoir inspiré les rebelles. Le chef du Rassemblement des républicains (RDR), 68 ans, empêché de se présenter en 2000 pour «nationalité douteuse» et symbole des déchirements identitaires ivoiriens, souhaite, lui, réparer ce qu'il considère comme une «injustice».

L'une des grandes questions du second tour sera celle du report des voix de M. Bédié vers l'ex-Premier ministre. Les deux hommes sont alliés depuis 2005 au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), mais la méfiance demeure souvent entre militants ou cadres.

Le camp Bédié avait dans les années 1990 tenté de barrer la route de la présidence à M. Ouattara, qu'il accusait d'être burkinabè, en développant le concept nationaliste d'«ivoirité».

Le Conseil de sécurité de l'ONU a exhorté les candidats de cette élection six fois repoussée depuis 2005 à «maintenir un environnement calme et pacifique et à accepter les résultats». Il a appelé leurs supporteurs à éviter «toute provocation ou violence».

Il a jugé que les irrégularités avaient été «mineures» lors du vote, marqué par la participation d'environ 80% des 5,7 millions d'électeurs, qui s'étaient rendus aux urnes dans le calme, l'émotion et l'espoir.