Déjà plaque tournante du trafic de drogue, l'Afrique de l'Ouest serait en passe de devenir également une zone de production importante, selon Antonio Maria Costa, directeur exécutif de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

Présentant jeudi son rapport au Conseil de sécurité de l'ONU, il a précisé que depuis le mois de juillet, ses services et Interpol enquêtent sur plusieurs endroits de la région où ils ont trouvé de grandes quantités de produits chimiques utilisés pour produire de la cocaïne de très bonne qualité et fabriquer de l'ecstasy. M. Costa, qui dirige l'ONUDC, basé à Vienne, a rappelé au Conseil de sécurité qu'il y a cinq ans, ses services avaient tiré «le signal d'alarme» pour prévenir la communauté internationale de l'effet déstabilisant du trafic de cocaïne d'Amérique latine vers l'Europe, via l'Afrique occidentale, et particulièrement la Guinée-Bissau.

Ces 18 derniers mois, l'ONUDC a noté «une baisse significative» des saisies de drogue en Afrique de l'Ouest, ainsi qu'une «forte baisse des saisies de drogue européennes ayant comme source présumée l'Afrique occidentale». On pourrait donc en conclure que «le trafic de drogue dans la région a décliné», a-t-il souligné, mais ôôcette tendance doit être interprétée prudemment», parce que la demande de cocaïne reste forte en Europe et l'itinéraire suivi par les trafiquants pourrait avoir changé.

En revanche, il existe plusieurs nouveaux «éléments dérangeants»: des quantités croissantes de drogue en Afrique de l'Ouest sont consommées localement, ce qui n'est pas surprenant. «Les prix bas et la fourniture importante de cocaïne, particulièrement en Guinée-Bissau, provoquent des ravages dans une jeunesse déjà perturbée par de nombreux problèmes», a ajouté Antonio Maria Costa.

Tout aussi inquiétant, il a fait état d'informations relatives à la «consommation de drogue (ainsi qu'au trafic) concernant l'armée». «Cela crée des armées de drogués», a-t-il estimé.

Quant aux nouvelles «informations choquantes» sur la production de drogue localement font actuellement l'objet d'une enquête. «Je veux tirer le signal d'alarme: l'Afrique occidentale est maintenant proche de devenir une source de drogues, pas seulement une zone de transit. Le crime organisé est en train d'acquérir des racines locales», a-t-il ajouté, sans citer de pays précis. Les produits chimiques pour fabriquer de la drogue n'ont pas été découverts en Guinée-Bissau, mais au-delà de ses frontières. La Guinée-Bissau risque cependant de suivre le même chemin, le pays étant «très vulnérable», et la mafia de la drogue y possédant déjà de vastes terres.