L'ancien président du Liberia Charles Taylor n'était pas «un Napoléon africain qui voulait prendre le contrôle de la sous-région», a affirmé sa défense lundi, à la reprise de son procès pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité à La Haye.  

«Nous sommes ici pour défendre un homme dont nous disons qu'il est innocent de tous les chefs d'accusation», a déclaré Me Courtenay Griffiths devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), en affirmant que l'accusation «manque de preuves» pour obtenir une condamnation.

 

Charles Taylor, 61 ans, plaide non coupable de 11 crimes, notamment meurtre, viol et enrôlement d'enfants soldats. Il est jugé depuis janvier 2008 pour son rôle dans la guerre civile en Sierra Leone qui a fait 120 000 morts et des milliers d'amputés entre 1991 et 2001.

 

Élu président du Liberia en 1997, l'ancien chef de guerre «avait un rôle de premier plan pour négocier la paix» en Sierra Leone, a assuré Me Griffiths, qui a promis de le prouver par «une documentation abondante», notamment des Nations unies.

 

Vêtu d'un complet marron, les mains croisées devant lui, M. Taylor, premier chef d'État africain jugé par un tribunal international, a suivi l'exposé d'un air concentré. Il sera le premier témoin appelé à la barre par la défense mardi.

 

«Ce sera sa première et peut-être dernière chance de donner sa version des faits, non pas parce qu'il doit le faire mais parce qu'il le veut. Il pense que c'est important de mettre au clair le compte-rendu historique» des guerres au Liberia et en Sierra Leone, a souligné Me Griffiths.

 

Selon l'accusation, Charles Taylor dirigeait en sous-main les rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (RUF), à qui il fournissait armes et munitions en échange d'un accès aux ressources, notamment en diamants et bois précieux, de ce pays voisin du Liberia.

 

«Il est faux de suggérer qu'il avait la capacité de fournir des armes au RUF», a assuré Me Griffiths en rappelant l'embargo sur les armes imposé au Liberia par la communauté internationale.

 

«Les enfants soldats ne sont pas une invention de M. Taylor», a affirmé par ailleurs l'avocat. Selon lui, «ce phénomène terrible a existé en Afrique de l'Ouest bien avant que Charles Taylor émerge sur la scène» fin 1989, en lançant une rébellion armée contre le régime libérien de Samuel Doe qui lui valut une réputation de seigneur de guerre impitoyable.

 

L'avocat, qui a déposé une liste de 249 témoins susceptibles d'être entendus, a accusé le procureur de «corruption» par des «paiements généreux» aux 91 témoins de l'accusation.

 

M. Taylor «s'efforçait de mettre fin aux souffrances du peuple libérien», pour «reconstruire une démocratie naissante» et une économie en ruines, selon son avocat. Sa réputation d'«homme mauvais» est selon lui basée sur des «idées préconçues».

 

Le procès de M. Taylor, délocalisé de Freetown à La Haye pour éviter de déstabiliser la région, avait débuté en janvier 2008. Le jugement est attendu mi-2010.