Cour constitutionnelle techniquement dissoute, parlement dissous, défections au gouvernement, pouvoirs «exceptionnels» pour le président : le Niger s'enfonce chaque jour davantage dans une grave crise dont l'enjeu est le référendum voulu par le président Tandja pour rester au pouvoir envers et contre tous.

Lundi soir Mamadou Tandja, qui doit céder son fauteuil fin 2009 après deux quinquennats, a dissous de facto lundi soir la Cour constitutionnelle qui s'était opposée par trois fois à son projet de référendum le 4 août.

Selon la radio officielle, il a suspendu par décrets les articles 104 et 105 de la Constitution sur les modalités de nomination des sept membres de la Cour et surtout leur inamovibilité pendant leur mandat de six ans.

M. Tandja, qui a déjà dissous le parlement le 26 mai, a également abrogé trois décrets de 2004, 2006 et 2008 sur les nominations des membres de la Cour.

Le 25 mai et 12 juin, ceux-ci avaient rejeté son projet de modifier la Constitution par référendum le 4 août.

Le président avait tenté une dernière fois sa chance la semaine dernière en demandant à la cour de rapporter son arrêt, pourtant sans appel et contraignant, ce que les magistrats avaient refusé.

En réponse, il s'était arrogé vendredi des «pouvoirs exceptionnels» (art 53 de la constitution) pour gouverner par décrets et ordonnances, estimant que «l'indépendance de la République est menacée».

La Cour est donc la première «victime» de ces «pouvoirs exceptionnels» qui permettent à M. Tandja de gouverner quasiment seul désormais.

Lâché jeudi par le principal parti qui le soutenait jusque-là, la Convention démocratique et sociale (CDS), il n'a mis que quelques jours pour remplacer les sept ministres démissionnaires par des fidèles.

Pour l'opposition, les dernières décisions du président s'apparentent à un «coup d'Etat» et mardi le Front de défense de la démocratie (FDD, un collectifs de partis, syndicats et Ong) parlait d'«état d'exception».

Ancienne puissance coloniale, la France est enfin sortie de son silence mardi pour juger «illégitime» la dissolution de la Cour constitutionnelle, parlant d'un «signal négatif pour la démocratie nigérienne et la stabilité du pays».

«Cette décision, comme le recours à l'article 53 (...) se situe en dehors du cadre constitutionnel. La France est très attachée au respect des acquis démocratiques et au maintien de la stabilité au Niger, et suit avec la plus grande attention l'évolution de la situation», a précisé le ministère des affaires étrangères.

Le FDD, dont le porte-parole a été interpellé lundi soir, a appelé à une «journée pays mort» mercredi au moment même où s'ouvrira en Libye un sommet de l'Union africaine.

La communauté économiques des Etats d'Afrique de l'ouest (Cédéao) dont le Niger fait partie, participe à ce sommet et a déjà menacé Niamey de sanctions, voire de suspension, si le président maintient son référendum.

Reste l'inconnue militaire dans un pays à forte tradition putschiste: face à l'exacerbation du conflit, l'armée a réaffirmé lundi soir sa neutralité et a de fait renvoyé les protagonistes dos à dos en les appelant à «l'apaisement et la concertation».

«Tenues par leur devoir de neutralité et de réserve, les forces armées ne sauraient ni être associées à un quelconque débat politique, ni être impliquées dans des actions déstabilisatrices», a déclaré sur la radio officielle «Voix du Sahel» le porte porte-parole de l'armée, le colonel Goukoye Abdoulkarim.