Trois semaines de tournée internationale ont permis au Premier ministre zimbabwéen Morgan Tsvangirai d'obtenir un dégel des relations de son pays avec les Occidentaux, sans toutefois récolter beaucoup d'aide financière à la reconstruction de son pays dévasté.

Cette tournée «a été très réussie», a souligné jeudi à Paris le Premier ministre, après s'être rendu à Washington, Londres, Bruxelles, La Haye, Berlin, Oslo, Stockholm et Copenhague. «L'objectif était de définir de nouvelles relations diplomatiques» avec le Zimbabwe «traité comme un paria» pendant près de dix ans, a-t-il ajouté.

Les aides financières n'ont cependant pas été à la hauteur. Les Etats-Unis vont donner 73 millions de dollars (52 millions d'euros), la Commission européenne 29 millions d'euros en plus des 90 millions prévus en 2009, la Norvège ira jusqu'à 22,5 millions d'euros et l'Allemagne s'est bornée à promettre une aide humanitaire. L'aide de la France jusqu'à juin était de 2,5 millions d'euros, pour des projets alimentaires et de lutte contre le sida.

En février, Morgan Tsvangirai avait estimé à 5 milliards de dollars le coût de la reconstruction de son pays.

«Je ne suis pas du tout déçu», a assuré le Premier ministre, pour qui le processus démocratique au Zimbabwe «est irréversible». Il met aussi en avant les progrès réalisés depuis quatre mois. L'inflation a été stoppée, les denrées sont revenues dans les magasins même si elles restent hors de portée de la majorité de la population.

Morgan Tsvangirai est devenu Premier ministre de Robert Mugabe le 11 février, aux termes d'un accord de partage du pouvoir mettant fin à des mois de tensions et de pressions internationales nées du refus du régime en place de reconnaître sa défaite aux élections générales.

 «Les sanctions imposées au Zimbabwe demeurent et plusieurs pays ne veulent pas se retrouver à cautionner l'un ou l'autre des deux partis au pouvoir via leur assistance», estime Daniel Compagnon, professeur de sciences politiques et spécialiste du Zimbabwe.

Morgan Tsvangirai «n'a pas beaucoup de liberté de manoeuvre» et le partage du pouvoir, «précaire», n'a pas clarifié d'importants sujets comme la nomination d'un nouvel Attorney general (procureur général) et du gouverneur de la Banque centrale, précise-t-il.

 «Il est vrai qu'en termes d'aide financière, la tournée est décevante. Mais elle est positive sur le plan de l'explication que nous avons pu fournir sur nos positions», relève-t-on dans la délégation zimbabwéenne.

A Washington, le président Barack Obama a pris soin de dire que l'aide américaine irait directement aux Zimbabwéens, et non à son gouvernement à cause des préoccupations que continue de susciter Robert Mugabe. «Nous avons toujours les mêmes préoccupations quand il s'agit de consolidation de la démocratie, des droits de l'Homme et de l'Etat de droit» et l'aide américaine «ira directement aux Zimbabwéens», a dit Barack Obama.

A Bruxelles comme à Paris, les responsables européens ont aussi souligné que les droits de l'homme devaient être défendus au Zimbabwe.

 «Le chemin de la démocratie est long et sinueux et on ne sort pas d'une crise d'un coup de baguette magique», a admis le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner.

Une nouvelle Constitution doit permettre la tenue d'élections générales en 2011. D'ici là, Robert Mugabe reste au pouvoir et la levée des sanctions à Bruxelles (incluant un gel de l'aide européenne) semble improbable. Les Européens, surtout le Royaume-Uni, ex-puissance coloniale, ont une attitude attentiste.

A Londres, le Premier ministre Gordon Brown a été très clair avec son homologue zimbabwéen. L'aide augmentera «si le programme de réformes s'accélère sur le terrain».