Son mari soldat tué au front, Chantal erre avec ses cinq enfants dans les ruelles désertées de Kirumba. A ses côtés, Jean, caporal des FARDC (armée congolaise), veut aller en brousse pour chercher sa femme dont il est sans nouvelle.

Dans cette localité de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), à quelques dizaines de km du front, militaires et familles de soldats de l'armée régulière tentent de retrouver des nouvelles de leurs proches, accusant le gouvernement de les abandonner à leur sort.

Assise à même le sol au milieu de son paquetage, occupée à tricoter, Esther, femme de militaire, laisse éclater sa colère.

«Nous sommes dans la souffrance ici. Nous nous déplaçons avec nos affaires et nos enfants. J'ai déjà fui de Kiwanja», localité désormais contrôlée par les rebelles et située à environ 70 km plus au sud, explique cette jeune mère de deux enfants.

Evoquant le retrait entamé mardi soir des troupes rebelles de certaines positions en direction du sud, elle s'emporte: «Je m'en fous de cette information, je continue à fuir au nord».

Les yeux cernés, tremblant encore, Chantal, 28 ans, raconte que son mari soldat est mort la semaine dernière lors de combats contre la rébellion de Laurent Nkunda, la laissant seule avec sept enfants.

Dans sa fuite, Chantal a perdu la trace de deux de ses enfants, «emportés sur un camion qui a ensuite été pillé par des Maï-Maï», des miliciens généralement pro-gouvernementaux.

«Nous ne voulons pas la guerre. Nous, les femmes et les enfants de soldats, nous souffrons. Nos enfants ne vont pas à l'école, nous restons veuves», souffle-t-elle.

Fait méconnu, les familles accompagnent souvent les militaires congolais sur le front, ou à proximité des lignes de front, ce qui explique en partie les difficultés des militaires dès que se rapprochent les combats.

Le soldat Jean désespère de sa situation. «Le gouvernement congolais doit tout faire pour rapatrier nos femmes et nos enfants et nous laisser combattre au front», estime-t-il.

«Ma femme est dans la brousse, elle m'a dit qu'elle a été victime de pillages et a été battue par des Maï-Maï», ajoute-t-il.

Mardi, des combats ont opposé à Kirumba et Kayna, une localité voisine, des soldats aux miliciens Maï-Maï, qui tentaient d'empêcher les premiers de piller.

L'armée congolaise, qui a subi ces dernières semaines d'humiliantes défaites face à la rébellion de Laurent Nkunda dans la province du Nord-Kivu où elle opère, s'est en effet illustrée par des pillages et exactions à grande échelle dans plusieurs régions de la province depuis fin octobre.

«Nous ne comprenons pas quel genre de guerre nous faisons. C'est une guerre inutile (...)», estime Jean.

«Pourquoi n'y-a-t-il jamais la paix au Nord-Kivu ? C'est à cause des mauvais voisins à la frontière», accuse-t-il, en faisant référence notamment au Rwanda.

Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir la rébellion de Laurent Nkunda, ce que Kigali dément.

A Kirumba, les kiosques dévalisés et les rues saccagées portent les stigmates des affrontements de mardi.

George, un capitaine, déplore aussi les dysfonctionnements de son armée, en préparant dans la cour de l'hôpital de Kanya un frugal repas de haricots et de poisson séché.

«Les rations (alimentaires) n'arrivent pas jusqu'à nous, on ne peut pas se battre avec la famine! Et les primes n'arrivent pas, ce sont des promesses d'utopie», lance-t-il, approuvé par d'autres soldats convalescents.

«Nous ne sommes pas des poltrons, nous sommes patriotes, nous voulons stopper l'hémorragie causée par Laurent Nkunda, mais nous n'en pouvons plus de l'abandon des soldats et de leurs familles», lâche-t-il.