En s'emparant d'un superpétrolier saoudien à des centaines de kilomètres des côtes africaines, les pirates somaliens ont franchi une nouvelle étape dans le banditisme des mers, menaçant un axe majeur et soulignant l'impuissance des marines occidentales à les neutraliser.

Long de 330 mètres et chargé de deux millions de baril de brut, le Sirius Star, propriété de la compagnie saoudienne Aramco, a pris la direction du port d'Eyl, sur la côte nord de la Somalie, un des principaux repaires des pirates somaliens, selon une porte-parole de la marine américaine, basée à Bahreïn, siège de la Ve Flotte de l'US Navy.

Les pirates sont montés lundi à l'abordage du superpétrolier en plein Océan Indien, à plus de 450 milles nautiques (800 km) au sud-est de la ville de Mombasa au Kenya.

«C'est incroyablement loin de la Somalie (...) Cela fait une vaste zone autour de la Somalie où il n'y a pas de sécurité pour la navigation», souligne Roger Middleton, consultant de l'institut londonien de réflexion Chatham House.

Les pirates somaliens ont déjà mené quelques incursions dans ces parages ces derniers mois, en s'attaquant à des thoniers océaniques espagnols et français qui pêchent au large des Seychelles.

En capturant le Sirius Star, ils ont toutefois clairement franchi une nouvelle étape.

Ils menacent en effet désormais le trafic d'une deuxième route majeure du commerce maritime mondial, celle partant du Golfe vers le cap de Bonne Espérance, utilisée par les superpétroliers à destination de l'Europe et des Etats-Unis.

Jusqu'à présent, ils sévissaient essentiellement dans le golfe d'Aden, le long de la route maritime passant par le canal de Suez, empruntée par environ 30.000 navires chaque année.

Au moins 83 bateaux étrangers ont été attaqués par des pirates somaliens dans l'océan Indien et le golfe d'Aden cette année, largement plus du double du bilan de 2007, selon le Bureau maritime international.

La valeur de leur prise marque également une escalade. La cargaison de pétrole vaut environ 100 millions de dollars et le bateau, à peine sorti des chantiers, environ 150 millions de dollars.

Les demandes des rançons des pirates étant généralement proportionnelles à la valeur des navires capturés, leurs exigences pour relâcher le Sirius Star et son équipage de 25 marins devraient également être nettement supérieures à leurs prétentions habituelles, de un à quatre millions de dollars.

Les pirates avaient déjà montré leur capacité à attaquer n'importe quel navire en s'emparant le 25 septembre du Faina, un cargo ukrainien chargé d'armes, dont des chars d'assaut, toujours entre leurs mains.

Le chef d'état-major interarmées américain, l'amiral Michael Mullen, s'est néanmoins dit lundi «surpris» par le rayon d'action des pirates qui ont pris le Sirius Star.

Les pirates, a-t-il expliqué, sont «très bons dans ce qu'ils font». «Ils sont bien armés. Tactiquement, ils sont très bons».

«Et une fois qu'ils sont parvenus au stade de monter à bord, il devient très difficile de les déloger, parce que, évidemment, ils ont des otages», a-t-il ajouté.

La capture du superpétrolier démontre aussi l'impuissance des marines de guerre occidentales à contrer les bandits des mers.

Après la prise du Faina, l'OTAN a dépêché une force navale - qui doit être relayée en décembre par une opération de l'Union européenne - dans la région.

D'autres pays, dont la Russie et l'Inde ont également envoyé des navires de guerre au large de la Somalie pour lutter contre les pirates. Sans parvenir jusque présent à faire cesser les attaques, très lucratives pour un pays livré au chaos depuis le début d'une guerre civile en 1991.