Les pirates somaliens, qui détiennent depuis le 25 septembre un cargo ukrainien chargé d'armes, négociaient jeudi tout en maintenant leur exigence d'une rançon de 20 millions de dollars pour relâcher le bateau, dont l'attaque a reçu le soutien inédit des extrémistes islamistes.

 

«Nous négocions avec le propriétaire (du Faina) et les discussions prennent la direction d'une issue positive, mais rien n'a été finalisé», a déclaré jeudi à l'AFP le porte-parole des pirates, Sugule Ali, joint par téléphone à bord du cargo.

«Les propriétaires du bateau savent depuis le début que nous demandons 20 millions de dollars», a-t-il ajouté, affirmant: «les vrais pirates sont ceux qui transportent des armes dans les eaux de Somalie et qui méritent d'être mis à l'amende».

Tout en niant tout contact avec les pirates, les insurgés islamistes extrémistes somaliens, les «shebabs», ont apporté jeudi pour la première fois un soutien public à l'attaque du cargo.

«C'est un crime de prendre des navires de commerce, mais cela ne concerne pas le détournement de navires transportant des armes pour les ennemis d'Allah», a déclaré par téléphone à l'AFP cheikh Mukhtar Robow, porte-parole des «shebabs» qui combattent les forces du gouvernement somalien et de ses alliés éthiopiens depuis début 2007.

«Nous croyons que la cargaison d'armes appartient à l'Ethiopie», a-t-il aussi affirmé, ajoutant à l'attention des pirates: «s'ils n'obtiennent pas l'argent qu'ils demandent, nous les appelons soit à brûler le cargo et ses armes, soit à le couler».

Capturé le 25 septembre, le Faina transporte une cargaison d'armes, dont 33 chars d'assaut T-72 de conception soviétique, et faisait route vers le port kényan de Mombasa lorsqu'il a été attaqué.

Les gouvernements kényan et ukrainien ont indiqué que le chargement constituait l'une des livraisons au Kenya d'armes venues d'Ukraine dans le cadre d'un contrat signé par les deux pays. Ils ont démenti les déclarations d'un porte-parole de la Ve flotte américaine selon qui la cargaison était destinée à un client au Soudan.

Le cargo est actuellement ancré devant le port d'Hobyo (500 km au nord de Mogadiscio), sous l'étroite surveillance de navires de guerre américains.

Selon le Bureau maritime international (BMI), environ 60 bateaux ont été attaqués dans le golfe d'Aden et l'océan Indien depuis janvier 2008 par des pirates venus de Somalie, pays livré au chaos depuis le début d'une guerre civile en 1991.

Cette activité criminelle est lucrative, soulignait jeudi l'institut londonien de réflexion, Chatham House, selon lequel le montant des rançons versées aux pirates depuis début 2008 se situe dans une fourchette de 18 à 30 millions USD.

Cette multiplication des attaques menace gravement le commerce maritime, sur l'un des routes maritimes les plus fréquentées au monde, avertit l'institut dans un rapport.

«Si le coût des primes d'assurance devient prohibitif, ou si le danger devient tout simplement trop important, les compagnies de navigation pourraient éviter le golfe d'Aden et prendre la route longue par l'Europe et l'Amérique du Nord et le cap de Bonne-Espérance», note le rapport en relevant que cela augmenterait considérablement le coût du transport.

L'institut pointe un autre danger: un lien entre pirates et terrorisme international, qualifié de «scénario catastrophe».

Selon Chatham House, les rançons sont probablement utilisées pour entretenir la guerre civile et dirigées vers les «shebabs», même s'il n'y a aucune preuve de leur implication directe dans la piraterie.

Les États-Unis ont inscrit les «shebabs» en février sur leur liste des organisations terroristes en raison de leurs liens présumés avec Al-Qaeda.

Mercredi, 10 pays européens se sont dits prêts à participer à une opération militaire contre la piraterie au large de la Somalie, selon le ministre français de la Défense Hervé Morin.