(Bakou) Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a assuré mardi qu’un accord de paix avec l’Arménie était « plus proche que jamais », alors que les deux pays ont commencé à délimiter leur frontière commune après des décennies de disputes territoriales.

Les dirigeants de ces deux États rivaux du Caucase clament régulièrement souhaiter un traité de paix réglant ces différends, mais les pourparlers restent très difficiles et lents. Des incidents armés réguliers rappellent en outre l’ampleur des tensions.

« Nous sommes plus près que jamais » d’un accord de paix, a estimé mardi M. Aliev lors d’une réunion avec des analystes, expliquant que seuls les « détails » restaient à régler et qu’il existait une « volonté politique » pour un règlement.

Ces dernières années, les États-Unis, l’Union européenne et la Russie ont tenté de jouer les médiateurs entre Erevan et Bakou, sans grand succès.

Tout en acceptant une proposition du Kazakhstan d’accueillir prochainement une réunion des chefs de la diplomatie des deux pays, M. Aliev a minimisé la nécessité d’une supervision étrangère dans les pourparlers avec l’Arménie.

« Ce qui se passe actuellement à notre frontière prouve que lorsque nous sommes laissés seuls […] nous pouvons nous mettre d’accord tôt ou tard », a-t-il déclaré.

Peu auparavant, les ministères de l’Intérieur des deux pays ont annoncé avoir commencé le travail de délimitation de leur frontière commune, un pas important.

Bakou a affirmé que des groupes d’experts procédaient à la « clarification des coordonnées sur la base d’une étude géodésique du terrain ». Erevan, qui a confirmé des « travaux de délimitation » de la frontière, a exclu « le transfert de toute partie du territoire souverain de l’Arménie ».

Protestations en Arménie

Le mois dernier, le premier ministre arménien Nikol Pachinian avait accepté une demande de l’Azerbaïdjan de lui restituer quatre villages frontaliers saisis par les forces d’Erevan pendant une guerre dans les années 1990, ce qui avait contraint leurs habitants azerbaïdjanais à fuir.

Cette décision a suscité des manifestations dans une région frontalière de centaines d’Arméniens, qui craignent leur isolement et que certaines de leurs maisons se retrouvent sous le contrôle de Bakou.

Lundi, ils ont brièvement bloqué l’axe routier reliant l’Arménie et la Géorgie, qui passe à proximité et constitue pour la population locale le principal lien avec le monde extérieur. Ils ont aussi tenté d’empêcher des travaux de déminage.

Et mardi, de nouvelles protestations ont éclaté en plusieurs endroits en Arménie, notamment près du lac Sevan et de la ville de Noyemberian.

M. Pachinian a insisté sur la nécessité de régler les différends frontaliers afin d’« éviter une nouvelle guerre ».

Il a qualifié les efforts de délimitation de la frontière de « changement significatif sur le terrain », car ces pays rivaux « ont désormais une frontière et non plus une ligne de contact, ce qui est un signe de paix ».

L’Arménie et l’Azerbaïdjan se sont affrontés dans deux guerres, la première dans les années 1990 remportée par l’Arménie et qui a fait plus de 30 000 morts et la deuxième en 2020 gagnée par l’Azerbaïdjan et qui a fait plus de 6000 morts.

Après la défaite arménienne de 2020, Erevan avait été contraint de céder d’importants territoires dans et autour du Haut-Karabakh, une région que les Arméniens contrôlaient depuis une trentaine d’années.

En septembre 2023, Bakou a déclenché une offensive éclair qui a contraint les séparatistes arméniens du Haut-Karabakh à capituler en quelques jours et pris le contrôle de l’ensemble de ce territoire.

Retrait russe

La Russie, qui disposait depuis 2020 d’un contingent de plusieurs milliers de soldats de maintien de la paix au Haut-Karabakh, a commencé la semaine dernière leur retrait, leur présence étant rendue caduque par la reconquête azerbaïdjanaise.

Samedi, M. Pachinian, en froid avec Moscou, a aussi annoncé que les gardes-frontières russes, déployés dans la région depuis 1992, seraient remplacés par des militaires arméniens.

« Les gardes-frontières russes se retireront de la région et les gardes-frontières de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan coopéreront pour surveiller la frontière », a-t-il affirmé.

L’Azerbaïdjan revendique plusieurs villages administrés par l’Arménie et réclame la création d’un couloir à travers la région arménienne de Siounik (sud) afin d’avoir une liaison terrestre avec son enclave du Nakhitchevan, puis avec la Turquie, son alliée.

De son côté, Erevan demande l’enclave d’Artsvashen (Bashkend en azéri), située en territoire azerbaïdjanais et contrôlée par Bakou depuis les années 1990, ainsi que les zones conquises par l’Azerbaïdjan au cours des trois dernières années et qui se trouvent à l’intérieur des frontières arméniennes.