Le nombre de femmes emprisonnées dans le monde a augmenté rapidement au cours des deux dernières décennies, bondissant de 60 % alors que la population carcérale masculine croissait de 22 %.

La hausse a été particulièrement marquée dans des pays d’Amérique latine et d’Asie – dont le Brésil, où le nombre de détenues est passé de 10 112 à 42 694 de 2000 à 2022, l’Indonésie et le Cambodge.

Plus de 740 000 femmes se retrouvent aujourd’hui derrière les barreaux, ce qui représente un peu moins de 7 % de la population carcérale mondiale, selon un récent rapport de Penal Reform International.

L’organisation relève que la progression plus rapide de la population carcérale féminine s’explique dans plusieurs pays par l’application de politiques antidrogues restrictives.

La directrice de Penal Reform International, Olivia Rope, a indiqué lundi en entrevue que les femmes sont proportionnellement plus touchées que les hommes par les efforts répressifs dans ce secteur. Le fait qu’elles occupent des rôles secondaires dans le trafic orchestré par des organisations criminelles signifie qu’elles représentent souvent des cibles plus faciles pour les autorités que les véritables responsables.

Le manque relatif d’éducation ou de moyens financiers des femmes ciblées complique l’accès à un avocat et augmente les risques de détention, notamment durant la phase précédant le procès.

La pauvreté, note Mme Rope, est un autre facteur important, puisqu’un nombre substantiel de détenues purgent une peine d’emprisonnement pour des délits mineurs comme le vol à l’étalage.

Une étude portant sur un établissement carcéral mexicain a permis notamment d’établir que 10 % des femmes avaient commis un délit de cette nature et se retrouvaient derrière les barreaux faute de pouvoir payer les amendes fixées par le tribunal.

Violence conjugale

Selon Advocaid, une organisation qui soutient les femmes aux prises avec des difficultés judiciaires en Afrique de l’Ouest, le pourcentage d’accusées se voyant reprocher des crimes violents est faible. Dans ces cas, la violence conjugale est souvent un facteur sous-jacent. Une jeune femme de la Sierra Leone a notamment été condamnée à la peine de mort en 2010 après avoir poignardé son conjoint alors qu’il la frappait avec un tuyau de plastique.

Le juge responsable a indiqué, en donnant ses consignes aux jurés, que le recours à une arme blanche dans un tel contexte était « disproportionné », sans s’attarder au fait que l’accusée subissait des agressions à répétition depuis longtemps.

L’épisode illustre le fait que les tribunaux « ont été créés par des hommes pour les hommes » et ne prennent pas toujours suffisamment en compte le traumatisme pouvant résulter d’années de sévices, note Sabrina Mahtani, une avocate d’expérience qui travaille auprès de femmes aux prises avec des démêlés judiciaires.

PHOTO JESUS VARGAS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des détenues patientent avant de recevoir un vaccin contre la COVID-19 dans une prison de Los Teques, au Venezuela, en juillet 2021.

Certains pays ont entrepris des réformes importantes au cours des dernières années pour réduire le nombre de femmes en détention. La Colombie a notamment approuvé cette année une loi qui pourrait permettre à des milliers de prisonnières purgeant des peines de moins de huit ans d’effectuer plutôt des travaux communautaires.

Selon Penal Reform International, Hawaii a parallèlement réussi à réduire à zéro le nombre de filles et de femmes âgées de 15 à 24 ans dans son système carcéral en misant sur la réhabilitation en communauté.

Un manque de soutien financier décrié

Des dizaines de détenues, d’ex-détenues, de militants et d’avocats préoccupés par la problématique de l’incarcération des femmes ont diffusé il y a quelques jours une lettre ouverte qui critique le manque de soutien financier accordé aux ONG actives dans ce secteur par les donateurs publics et privés.

Les signataires déplorent par ailleurs que la question soit négligée lors de sommets internationaux visant à favoriser l’égalité des sexes.

« Les gens en ont franchement assez de la situation », relève Mme Rope, qui se félicite de constater que de plus en plus de femmes ayant subi des peines d’emprisonnement prennent aujourd’hui la parole pour chercher à faire bouger les choses.

Women Beyond Walls, un collectif formé il y a quelques années pour mettre fin à la « surcriminalisation » des femmes, a produit à la fin de 2021 un sondage indiquant que la majorité des organisations actives à ce sujet sont sous-financées et font régulièrement face à des réactions hostiles de la population.

Plusieurs répondants ont indiqué que la « perception publique négative » des femmes détenues rendait les donneurs institutionnels réticents et compliquait l’obtention du soutien financier d’individus ou d’entreprises.