Le 26 mars, un référendum visant à hâter la carboneutralité de Berlin, en Allemagne, a échoué à obtenir quorum. Un référendum climatique a mené en 2021 au rejet d’une loi sur la carboneutralité en Suisse, et un autre référendum climatique y est prévu pour juin prochain. Faut-il s’en inquiéter ?

« Le référendum de Berlin a été victime du discours médiatique focalisé sur l’automobile », explique Lena Partzsch, politologue à l’Université libre de Berlin. « Les deux grands partis étaient contre, et même certains verts, alors que la grande majorité des électeurs dans le centre de Berlin ont appuyé la mesure. »

L’objectif du référendum berlinois était de hâter de 2045 à 2030 l’atteinte de la carboneutralité. Le quorum de 25 % n’a pas été atteint, seulement 18 % des électeurs ayant participé au référendum. L’objectif 2030 a reçu 51 % des voix, contre 49 % pour le statu quo de 2045.

Mme Partzsch est persuadée que beaucoup de partisans de 2030 n’ont pas pu se rendre voter. « Pour torpiller le référendum, les partis au pouvoir ont choisi de ne pas le faire coïncider avec des élections régionales un mois avant. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BERLIN

La politologue à l’Université libre de Berlin, Lena Partzsch

Sa collègue Julia Teebken de l’Université libre, qui se spécialise dans les inégalités générées par l’adaptation climatique, estime quant à elle que le référendum berlinois a échoué parce que les partisans de l’horizon 2030 n’ont pas su rassurer la classe moyenne sur les coûts de leur plan. « Les quartiers centraux où le Oui l’a emporté sont généralement plus riches, dit Mme Teebken. Ce n’est pas un hasard. »

John Matsusaka, un économiste de l’Université de Californie du Sud qui a publié en 1997 la seule étude sur les référendums environnementaux, confirme cette analyse.

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L’économiste de l’Université de Californie du Sud, John Matsusaka

« La vingtaine de référendums environnementaux californiens que j’ai analysés ont été approuvés seulement quand il était clair qu’ils n’auraient pas un coût ou des inconvénients importants, dit M. Matsusaka. Et en général, les riches approuvaient davantage les mesures environnementales que les pauvres. »

Suisse

L’objectif des référendums suisses est à l’opposé de celui de Berlin. Il s’agit d’invalider une loi visant la carboneutralité pour 2050. En 2021, la loi avait été rejetée à 52 %, grâce à l’opposition des principales organisations d’affaires et de l’Union démocratique du centre (UDC), le principal parti de droite. Pourtant, dans les sondages climatiques, les Suisses sont tout autant en faveur de mesures climatiques que les autres pays européens, plus de la moitié estimant par exemple que leur gouvernement n’en fait pas assez pour contrer les changements climatiques. Ce pourcentage est légèrement plus élevé au Canada et dépasse les deux tiers au Québec.

« On accepte la carboneutralité pour 2050, mais on veut un soutien pour des voies prometteuses, par exemple les carburants synthétiques ou l’hydrogène », explique Pierre Page, un député de l’UDC chargé des questions climatiques.

De son côté, Marcel Hänggi, fondateur de l’Association suisse pour la protection du climat, a bon espoir que la loi de carboneutralité survivra au référendum de juin. « En 2021, il y avait une taxe sur l’essence, cette fois on va plutôt investir pour aider les entreprises et les propriétaires de maison à se décarboniser. »

Vancouver et Washington

Deux référendums climatiques ont eu lieu aux États-Unis, dans l’État de Washington en 2016 et 2018. Il s’agissait dans chaque cas de référendums sur une taxe sur les carburants, rejetée en 2016 par 60 % des électeurs et en 2018 par 56 %.

« J’ai appuyé le Oui en 2016, mais pas en 2018 », explique Cliff Mass, un économiste de l’Université de Washington. « En 2016, on prévoyait baisser les impôts pour la classe moyenne avec l’argent des taxes climatiques, mais en 2018, pour séduire certains lobbys industriels, on a plutôt réservé ces montants à des subventions pour la transition climatique. De toute façon, quand les démocrates ont pris le contrôle des trois ordres de gouvernement en 2020, ils ont essentiellement imposé le plan de 2018. »

Le même phénomène a eu lieu en 2015 au seul référendum vaguement climatique de Vancouver, visant à augmenter le financement du transport en commun. Les électeurs avaient rejeté à 62 % une taxe de vente de 0,5 % qui aurait financé des investissements de 7,5 milliards.

« Nous étions très contents d’avoir remporté la manche en 2015, mais finalement les administrations municipales ont implanté pièce par pièce le plan de financement », explique Carson Binda, responsable de la Colombie-Britannique à la Fédération canadienne des contribuables. « La seule différence, c’est qu’on a financé le tout autrement que par une taxe de vente. »

Un référendum climatique favoriserait-il la carboneutralité au Québec ? Patrick Bonin, de Greenpeace, pense que oui. « Si on réussit à avoir un vrai débat, sans que des lobbys manipulent les médias, la population comprendra que des villes plus denses, avec plus de vélos et de transports en commun, sont plus désirables que l’étalement urbain actuel, dit M. Bonin. On n’a qu’à penser aux marches pour le climat qui attirent des centaines de milliers de personnes au Québec. »

Une version précédente de ce texte indiquait erronément que les marches pour le climat attirent des centaines de milliers de personnes au Québec depuis 20 ans.

En savoir plus
  • 6 %
    Proportion des Québécois qui pensent que la planète ne se réchauffe pas
    Source : Abacus
    7 %
    Proportion des Canadiens qui pensent que la planète ne se réchauffe pas
    Source : Abacus
  • 12 %
    Proportion des Albertains qui pensent que la planète ne se réchauffe pas
    Source : Abacus
    44 %
    En Angleterre, le chantre du Brexit, Nigel Farage, promeut depuis un an un référendum sur le plan « net zéro » du gouvernement britannique. La tenue d’un tel référendum est appuyée par 44 % des Britanniques, 27 % s’y opposant.
    source : Sondage Yougov, décembre 2022