(Tegucigalpa) Le Honduras va établir des relations « officielles » avec Pékin, a annoncé mardi sa présidente Xiomara Castro. Une décision saluée par Pékin et qui menace les liens de ce pays d’Amérique centrale avec Taïwan.

« J’ai donné instruction au ministre des Affaires étrangères Eduardo Reina de gérer l’ouverture de relations officielles avec la République populaire de Chine », a annoncé Mme Castro sur Twitter.

Elle n’a pas évoqué explicitement l’avenir des relations avec Taïwan, que le Honduras est l’un des 14 derniers pays à reconnaître diplomatiquement.  

La République populaire de Chine basée à Pékin revendique la souveraineté sur l’île de Taïwan, dont le nom officiel est République de Chine et qui est administrée depuis plus de 70 ans par un régime rival.

Au nom du principe d’une seule Chine, le pouvoir communiste à Pékin, qui revendique la souveraineté sur Taïwan, n’accepte pas des relations diplomatiques à la fois avec lui et Taipei.  Toute reconnaissance par un pays de la Chine populaire entraîne de facto la rupture entre celui-ci et Taïwan.

« Nous demandons au Honduras de bien réfléchir et de ne pas tomber dans le piège de la Chine en prenant une mauvaise décision qui nuirait à l’amitié à long terme entre Taïwan et le Honduras », a réagi le ministère taïwanais des Affaires étrangères dans un communiqué.

« Une rupture »

Xiomara Castro, qui a pris ses fonctions début 2022, avait annoncé avant son arrivée au pouvoir son intention de reconnaître « immédiatement » les autorités de Pékin.

Mais Tegucigalpa avait ensuite fait savoir que les relations avec Taïwan se poursuivaient, après une visite du vice-président taïwanais William Lai pour l’investiture de Mme Castro.

« La Chine est disposée à développer des relations d’amitié et de coopération avec tous les pays du monde, y compris le Honduras sur la base du principe d’une seule Chine », a réagi mercredi à Pékin un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin.  

« Nous saluons la déclaration du Honduras » à ce sujet, a-t-il ajouté devant la presse.

Le tweet de Mme Castro « ne clarifie pas quel type de relations » le Honduras souhaite nouer avec Pékin, remarque l’analyste hondurien Raul Pineda. « S’il s’agit de relations diplomatiques, cela va entraîner une rupture avec Taïwan et une prise de distance avec les États-Unis ».

Barrages financés par Pékin

Le 1er janvier, Eduardo Reina avait rencontré le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Xie Feng, en marge de la cérémonie d’investiture du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva.

Le 2 février, M. Reina avait annoncé des négociations avec Pékin pour construire un barrage hydroélectrique en démentant que Tegucigalpa veuille reconnaître diplomatiquement Pékin.

Pékin avait déjà financé pour 300 millions de dollars un autre barrage au Honduras, inauguré en 2021 par le président d’alors Juan Orlando Hernandez.

Mercredi matin, un journaliste de l’AFP a vu l’ambassadeur du Honduras à Taipei, Harold Burgos, arriver au ministère taïwanais des Affaires étrangères. Ni l’ambassadeur ni le ministère n’ont commenté cette visite.

L’Amérique latine est un important champ de bataille diplomatique entre Pékin et Taipei depuis 1949, lorsque les communistes ont pris le pouvoir en Chine continentale et le gouvernement nationaliste s’est réfugié à Taïwan.

Alignés sur Washington, les pays d’Amérique centrale sont longtemps restés liés à Taïwan. Aujourd’hui, seuls le Honduras, le Guatemala et le Belize entretiennent des liens avec l’île. Le Costa Rica (en 2007), le Panama (2017), le Salvador et la République dominicaine (2018) comme le Nicaragua (2021) ont reconnu Pékin.

Dans le monde, 14 pays reconnaissent Taïwan dont le Paraguay, Haïti, le Vatican, l’Eswatini et sept petites nations insulaires des Caraïbes et du Pacifique. Taipei dispose cependant de bureaux de représentation faisant office d’« ambassades officieuses » dans de nombreux pays.

Les relations entre Pékin et Taipei se sont envenimées depuis l’élection en 2016 à la présidence taïwanaise de Tsai Ing-wen, issue d’un parti traditionnellement favorable à l’indépendance. Pékin a depuis arraché à Taipei la reconnaissance diplomatique de huit pays.