(Genève) Faute de consensus pour lancer une négociation sur l’avenir des « robots tueurs », les 125 États réunis à Genève ont renvoyé le dossier devant les experts, au grand dépit de ceux qui voulaient des résultats tangibles.

La déclaration finale de la conférence d’examen de la Convention des Nations unies sur l’emploi de certaines armes classiques (CCAC), qui s’est tenue au bord du Léman depuis lundi, n’aborde le sujet des Systèmes d’armes létales autonomes (SALA) qu’en termes assez généraux.

Elle reconnaît des principes acquis depuis 2019, sur la préséance du droit humanitaire international sur tous les systèmes d’armes y compris des SALA ou le fait que les humains doivent « à tout moment assumer la responsabilité » de leur utilisation.  

Elle insiste aussi sur le fait que la Convention — qui a déjà permis des avancées sur les engins explosifs improvisés, les armes laser ou les mines — reste le forum adéquat parce qu’elle « tente de trouver un équilibre entre nécessité militaire et considérations humanitaires ».

Le groupe d’experts gouvernementaux qui a déjà longuement planché sur le sujet va se retrouver pour dix jours de travail en 2022.

La campagne « Stop killer Robots », qui rassemble près de 180 ONG, s’est indignée du maigre résultat et montre du doigt le États-Unis ou la Russie.

Impasse

Ce résultat « est totalement insuffisant » aux yeux de la vaste majorité des États, de la société civile et de l’opinion publique internationale, a lancé le représentant de la campagne vendredi soir devant les délégations réunies au Palais des nations.

« C’est une impasse ! », a-t-il martelé estimant que la discussion allait devoir se faire ailleurs. Sans doute sur le modèle de la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel.  

On commence par un noyau dur de pays et on essaye peu à peu de convaincre les autres de rejoindre le mouvement.

Pour la France et d’autres, la force de la CCAC est qu’elle engloberait « toutes les principales puissances militaires » et « lorsque l’on discute et que l’on négocie, on est sûr que tout le monde accepte les contraintes », expliquait avant la réunion l’ambassadeur de France, en charge des questions de désarmement à Genève, Yann Hwang.

Mais comment trouver le consensus. Traditionnellement, les Russes ne souhaitent pas se lier les mains d’avance et les Américains ont rappelé vendredi soir que leur préférence allait à un texte non contraignant.

« De notre point de vue cela contribuerait grandement à clarifier ce qu’exige le droit humanitaire international et à promouvoir des normes de comportement responsable », a rappelé le délégué de Washington, à la fin de la session.

Double usage

Les débats sont rendus d’autant plus difficiles que le concept d’armes autonome est flou et mêle des technologies dites à double usage — civil et militaire - comme l’intelligence artificielle.

Si les armes partiellement autonomes existent déjà (leurres sur les avions militaires par exemple), les systèmes réellement autonomes sur le champ de bataille, capables de se battre sans intervention humaine, restent encore théoriques, si l’on en croit la plupart des experts.  

Mais leurs opposants, qui comptent aussi le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, le CICR, gardien des conventions de Genève qui fondent le droit humanitaire international et des dizaines de pays, ne veulent pas attendre qu’elles existent pour les stopper.

La Suisse, qui parlait pour de nombreux pays dont l’Allemagne, le Brésil, la Finlande, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du sud ou encore l’Italie, la Norvège et la Suède, a dit sa déception devant le peu de progrès et a regretté que certains pays galvaudent la règle du consensus pour tout bloquer.

« Ce que nos travaux nous ont permis de comprendre jusque-là, c’est que des systèmes d’armes autonomes ne peuvent pas être utilisés en respectant le droit humanitaire international », a déclaré le délégué suisse et de mettre en garde : « Au rythme actuel d’avancement, le développement technologique risque de dépasser nos délibérations ».