Un joueur de basketball des Celtics de Boston, Enes Kanter, s’attaque depuis plusieurs jours de manière frontale à la Chine sur Twitter en fustigeant notamment les politiques du pays au Tibet et dans le Xinjiang.

Les interventions mordantes de l’athlète d’origine turque risquent de causer de sérieux maux de tête à la NBA, qui avait subi l’ire de Pékin il y a quelques années après que le directeur général d’une équipe de la ligue, Daryl Morey, eut affiché en ligne son soutien aux manifestations à Hong Kong.

M. Kanter, qui n’en est pas à ses premières interventions politiques en ligne, a commencé sa campagne mercredi dernier en demandant au « brutal dictateur chinois Xi Jinping » et à son gouvernement de « rendre le Tibet aux Tibétains ».

Il a énuméré dans une vidéo la liste d’abus des droits de la personne perpétrés contre la population locale avant de relever, dans un second message, que plus de 150 personnes s’étaient immolées par le feu au fil des ans pour tenter d’attirer l’attention sur la situation.

Vendredi, le joueur professionnel s’en est pris à la politique de Pékin au Xinjiang en exigeant que le pays « cesse le génocide » en cours contre la population ouïghoure de la région.

Plusieurs États, en écho aux organisations de défense des droits de la personne, accusent le régime chinois de persécuter cette minorité musulmane en recourant à la détention arbitraire à grande échelle ainsi qu’au travail forcé.

Lundi, M. Kanter est revenu sur la question en précisant à l’intention de Xi Jinping qu’il « ne le réduirait pas au silence ».

Il s’en est pris du même coup à l’entreprise Nike en l’accusant de profiter du travail forcé de Ouïghours pour assurer une partie de sa production en Chine tout en se targuant aux États-Unis d’être un modèle de défense des minorités. La firme, qui a déjà été critiquée à ce sujet par des médias américains, nie tout recours au travail forcé.

Consultez le compte Twitter d’Enes Kanter

Le joueur de la NBA a aussi affiché sa colère sur les terrains de basketball en portant des souliers avec des messages critiques du régime chinois.

  • PHOTO JACOB KUPFERMAN, ASSOCIATED PRESS

  • PHOTO BRIAN FLUHARTY, USA TODAY SPORTS

  • PHOTO MICHAEL DWYER, ASSOCIATED PRESS

  • PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER D’ENES KANTER

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Les sorties de M. Kanter ne sont pas passées inaperçues à Pékin. Le ministère des Affaires étrangères l’a accusé de « vouloir attirer l’attention » tandis que le géant chinois Tencent a cessé la transmission locale par streaming des matchs de l’équipe de Boston. Des internautes du pays, où la NBA est très populaire, ont multiplié les messages exigeant que l’athlète présente ses excuses ou soit exclu de la ligue.

Un haut dirigeant des Celtics, Brad Stevens, a indiqué vendredi que l’équipe entendait « soutenir ses joueurs et leur droit à la liberté d’expression ». Il s’est dit convaincu que ce serait également le cas de la ligue, qui n’a pas commenté la série de messages ciblant la Chine.

Des rapports « compliqués »

La NBA s’était montrée plutôt ambivalente en 2019 lorsque la sortie de Daryl Morey – alors directeur général des Rockets de Houston – en faveur des manifestants de Hong Kong avait poussé la chaîne gouvernementale CCTV à interrompre toute retransmission des matchs de la ligue dans le pays.

En avril, le commissaire de la NBA, Adam Silver, a témoigné que les rapports de l’organisation avec la Chine demeuraient « compliqués ». Il a défendu les liens commerciaux existants avec le pays asiatique en relevant que le sport « constituait une façon de rapprocher les gens » au-delà des frontières.

Louisa Greve, qui milite au sein d’une organisation de défense des droits des Ouïghours, le Uyghur Human Rights Project, pense que la NBA et d’autres organisations sportives professionnelles « devraient déjà avoir reconnu » qu’elles ne peuvent faire « du tri sélectif » en matière de droits de la personne et se féliciter de soutenir le mouvement Black Lives Matter tout en négligeant la situation au Xinjiang.

Comment pouvez-vous faire comme si tout était normal face à un génocide ?

Louisa Greve

La militante se réjouit toutefois de voir une personnalité connue de la NBA sonner l’alarme.

Chip Pitts, conseiller indépendant en matière de responsabilité d’entreprise, estime que des entreprises comme la NBA et Nike doivent chercher à « agir proactivement » pour faire évoluer les choses en Chine plutôt que de se retrouver en mode « réactif » lorsque leur présence dans le pays fait des vagues.

« Dans le cas contraire, ça risque de revenir les hanter. Si tu ne fais pas partie de la solution, tu fais partie du problème », relève M. Pitts, qui verrait d’un très mauvais œil que la NBA cherche à faire taire le joueur.

« Enes Kanter est du bon côté de l’histoire. Ce qu’il dit doit être entendu », conclut-il.