(Bogota) L’ex-président colombien et Prix Nobel de la Paix, Juan Manuel Santos, a appelé mercredi le gouvernement de son successeur Ivan Duque à assumer avec « humilité » les abus policiers commis lors des manifestations meurtrières de ces dernières semaines, afin de désamorcer la crise.

« Nous avons besoin de davantage de gestes, nous avons besoin que les différentes parties montrent plus d’empathie et plus d’humilité, que l’État admette “Nous avons commis des abus” », a déclaré l’ancien président (2010-2018) à W Radio.  

Selon M. Santos, qui a reçu le prix Nobel suite à l’accord de paix de 2016 avec l’ex-guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), « ce seul geste génèrerait déjà une réaction très favorable de la contrepartie dans ce conflit spécifique ».

Il a estimé que l’image des forces de l’ordre « s’est beaucoup détériorée » du fait de la répression des manifestations qui, depuis le 28 avril, réclament un changement de politique face à la crise économique aggravée par la pandémie de COVID-19.

En ce sens, il a jugé nécessaire une réforme du corps policier « militarisé » depuis des décennies pour combattre les guérillas et le trafic de drogue, mais qui ne devrait plus dépendre du ministère de la Défense.

Les dénonciations d’abus par des agents de la force publique sont au cœur des négociations tendues entre le gouvernement et les représentants de la protestation, qui ont appelé à une autre journée de grèves et manifestations mercredi, à la veille d’une nouvelle réunion.

M. Santos, opposant à l’actuel président, s’est dit prêt à faire office de médiateur pour trouver une issue à la crise, qui génère en outre des pénuries dans certaines régions du fait de barrages routiers.

Les violences, qui ont entaché ces 21 jours de mobilisation sociale, ont fait au moins 42 morts, dont un policier, et plus de 1600 blessés, selon les autorités.  

Le Parquet a confirmé que 15 des décès étaient liés aux manifestations, dont trois impliquant les forces de l’ordre, et enquête sur 11 autres.

De son côté, un collectif de défense des droits humains, dirigé par l’ONG locale Temblores, fait état de « 43 homicides » commis par des agents de l’État.

L’ONU, l’Union européenne, les États-Unis et des ONG internationales ont dénoncé l’usage disproportionné de la force face aux manifestations.

Mais le président Duque s’est jusqu’ici refusé à admettre une répression généralisée et s’est limité à condamner des « cas » isolés d’abus policiers, tout en dénonçant le « vandalisme » et les barrages routiers, causes de destructions et de pertes économiques élevées.

Les forces de l’ordre ont pour leur part lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour se défendre et nier toute « brutalité policière ».