(Madrid) La moitié de l’humanité était appelée jeudi à se confiner pour se protéger du nouveau coronavirus, à la propagation « quasi exponentielle », qui a déjà contaminé officiellement près d’un million de personnes et fauché 48 000 vies.

Plus de 500 000 cas ont été recensés en Europe, le continent le plus touché, mais ce sont les États-Unis (215 000 cas) qui sont en train de devenir le nouvel épicentre de la pandémie. Faute de capacités suffisantes de dépistage, ces bilans sont très probablement bien en-dessous de la réalité.

Les conséquences sociales, déjà, s’annoncent désastreuses. Comme aux États-Unis où les demandes hebdomadaires d’allocations chômage ont enregistré un nouveau record la semaine passée, avec 6,6 millions nouvelles demandes.

L’ampleur de la crise n’obscurcit pas toutes les tragédies individuelles. La mort d’un nouveau-né dans l’État du Connecticut a ainsi particulièrement frappé les esprits, les enfants étant jusqu’ici relativement épargnés.

Selon les projections de la Maison-Blanche, la COVID-19 devrait faire entre 100 000 et 240 000 morts aux États-Unis.

« Profondément préoccupé », le secrétaire général de l’Organisation mondiale de la Santé Tedros Adhanom Ghebreyesus n’a pu que constater la « croissance quasi exponentielle » du nombre de cas.

Malgré des mesures de confinement qui concernent près d’un habitant de la planète sur deux, les bilans s’alourdissent : plus de 13 000 morts en Italie, 10 000 en Espagne, plus de 5000 aux États-Unis, de 4000 en France…

« Connaître la vérité »

Ces quatre pays ont dépassé le bilan officiel de décès communiqués pour la Chine continentale (3318), où l’épidémie s’est déclarée.

Mais les chiffres chinois suscitent les soupçons : Pékin a menti en les sous-évaluant largement, selon un rapport confidentiel du renseignement américain évoqué par plusieurs parlementaires.

« La Chine a dissimulé la gravité de ce virus pendant des mois », a réagi un député à la Chambre des représentants, William Timmons. « Le monde paie à présent pour (ses) erreurs ».

« Les actes et comportements de certains politiciens américains sont honteux et dénués de toute morale », a réagi Pékin, affirmant que l’OMS défendait les données chinoises.

La Chine laisse entendre que son système politique autoritaire a permis de juguler rapidement l’épidémie, mais des proches de victimes déversent leur colère sur les réseaux sociaux, accusant aussi le régime de mensonge et d’incompétence.

« Je n’ai plus peur, je veux connaître la vérité », témoigne ainsi Zhang, un habitant de Wuhan, qui a perdu son père au tout début de l’épidémie et qui est persuadé que celui-ci a contracté la maladie lors de son hospitalisation pour une opération légère.

Pékin était au cœur d’une autre polémique jeudi, après avoir donné son feu vert à un médicament à base de bile d’ours afin de traiter des patients victimes de la COVID-19. A l’origine de la controverse, le traitement des plantigrades élevés dans d’étroites cages où leur abdomen est perforé par un cathéter relié à leur vésicule afin d’en prélever la bile.

Choisir entre l’économie et la santé

En Europe, la pandémie a causé la mort de plus de 1000 personnes en Belgique, un chiffre qui a doublé en l’espace de trois jours, notamment en raison de la comptabilisation décalée des décès en maison de retraite.

Et quatre soldats français déployés au Sahel dans le cadre de l’opération antidjihadiste Barkhane ont été testés positifs au coronavirus.

Mais c’est l’Espagne qui a de nouveau déploré jeudi les pertes les plus lourdes avec 950 décès en 24 heures, un nouveau record dans le pays, qui a aussi enregistré en mars plus de 300 000 nouveaux demandeurs d’emploi, en raison de « l’impact extraordinaire » de la crise sanitaire, selon le ministère du Travail.

En Italie, pays le plus endeuillé, le gouvernement est sous pression pour lever les mesures de confinement et relancer une économie au ralenti.

« C’est horrible d’avoir à choisir entre mettre l’économie en stand-by ou mettre en danger la vie de nombreuses personnes », observe l’expert américain Paul Romer, cité par le quotidien Il Fatto Quotidiano.

Le gouvernement a besoin d’un « plan crédible pour mettre fin au confinement très rapidement, tout en garantissant la sécurité des salariés même si le virus est encore présent », ajoute le co-lauréat du Prix Nobel 2018 d’Economie.

La Commission européenne a proposé jeudi de créer un instrument pour garantir jusqu’à 100 milliards d’euros les plans nationaux de soutien à l’emploi mis en place en raison de l’épidémie de coronavirus.

L’annonce des chiffres américains sur les inscriptions au chômage a plombé les Bourses européennes : la morosité gagnait en début d’après-midi Paris (-0,74 %) et Francfort (-1,43 %) tandis que Londres se repliait de 0,21 %. Peu après une ouverture en baisse, Wall Street paraissait plus indécise, le Dow Jones cédant 0,19 %.

Comportements irresponsables

En Russie, le président Vladimir Poutine a annoncé que le mois d’avril serait chômé en Russie, mais les salaires préservés, pour ralentir la propagation de la pandémie.

Faute de vaccin ou de traitement, le confinement reste le moyen de lutte le plus efficace. Plus de 3,9 milliards de personnes sont ainsi appelées à rester chez elles ou contraintes de le faire.

Un vrai défi dans les pays pauvres, comme au Rwanda. Désormais dans la misère la plus totale, Regine Murengerantwari, veuve, prépare chaque matin à Kigali du porridge pour ses quatre enfants, d’ordinaire nourris à l’école.

Ils doivent se contenter d’un bol chacun par jour et parfois il ne reste rien pour elle : « Pour nourrir ma famille, je ne dois pas manger moi-même », confie-t-elle.

Même dans les pays développés, le confinement laisse certaines catégories de population en première ligne, comme les employés des commerces qui restent ouverts.

« Nous avons peur de ramener quelque chose chez nous », confie à l’AFP sous couvert d’anonymat Piera, caissière à temps partiel dans un supermarché de Novare, en Italie, où un vigile est mort du virus à 33 ans.

Ce qui la choque le plus, c’est le comportement irresponsable de certains clients qui viennent en famille, se rapprochent trop des employés… ou humectent leurs doigt pour compter leurs billets.