(LE CAIRE, Égypte) Une vidéo tournée en Égypte montrant une jeune femme agressée et sexuellement harcelée par une foule d'hommes, à la veille du jour de l'An, a été déclarée authentique par la police égyptienne.

La vidéo, rapidement devenue rivale, a relancé la controverse sur le harcèlement sexuel en Égypte, dénoncé depuis des années par des groupes de femmes comme endémique et généralisé. Des vidéos montrant des groupes d'hommes agressant des femmes en public, en Égypte, font régulièrement surface depuis les années 2000.

La vidéo tournée durant la soirée du 31 décembre montre plusieurs dizaines d'hommes bousculant et agrippant une jeune femme qui crie de terreur.

Des sondages révèlent que la grande majorité des Égyptiennes se sentent vulnérables dans les rues. Il y a aussi eu de multiples agressions sexuelles contre des femmes durant les manifestations politiques des dernières années.

Le harcèlement des femmes «provocantes» perçu comme justifié

Mais les sondages montrent aussi que la plupart des hommes et des femmes dans ce pays musulman estiment que le harcèlement est justifié si les femmes s'habillent de façon «provocante» en public.

Dans la vidéo tournée dans la nuit de mardi à mercredi, on peut voir des jeunes hommes --certains brandissant des bâtons-- qui sautent sur le toit de la voiture dans laquelle la femme tente de se réfugier. Deux d'entre eux semblent vouloir aider un groupe d'hommes essayant d'amener la femme vers la voiture pour qu'elle échappe à la foule. L'agression collective s'est produite après minuit dans la ville de Mansoura, dans le delta du Nil.

Le chroniqueur politique Amir Khalifa, qui a mis en ligne la vidéo, a dénoncé la situation sur son compte Twitter :

L'année 2020 commence comme 2019 s'est terminée en Égypte : violence et brutalité contre les femmes et absence systématique de mécanismes judiciaires pour contrôler les fauves.

Le chroniqueur politique Amir Khalifa

Un haut gradé des services de sécurité a indiqué vendredi que sept jeunes hommes ont été arrêtés par la police, pour leur participation alléguée à l'agression sexuelle. La victime a été décrite par les autorités policières comme une femme de 20 ans qui était sortie avec une amie pour célébrer la veille du Jour de l'An.

Poignardé à mort pour avoir défendu une jeune femme harcelée

Au mois d'octobre, l'Égypte a été ébranlée quand un adolescent a été poignardé à mort tandis qu'il défendait une fille qui se faisait harceler sexuellement. Les trois adolescents ayant participé au meurtre ont tous été condamnés à 15 ans de prison le mois dernier.

L'Égypte a durci ses lois interdisant le harcèlement sexuel en 2014. Une définition plus large du harcèlement a été édictée et la peine maximale pour ce crime est maintenant de cinq ans de prison.

Mais les groupes de défense des droits affirment que les autorités ne sont pas assez sévères dans la lutte contre ce problème. Par ailleurs, la plupart des femmes sont réticentes à porter plainte, craignant d'être stigmatisées.

« Les autorités égyptiennes peuvent-elles cesser de nier l'existence du harcèlement sexuel en Égypte ? » s'est exclamée jeudi sur les réseaux sociaux Amel Fahmy, une militante pour les droits de la femme.

« Notre lutte ne fait que commencer », a ajouté sur Twitter Soraya Bahgat, une autre militante. En 2012, elle avait fondé un groupe bénévole visant à protéger les femmes du harcèlement durant les manifestations politiques du printemps arabe, qui exigeaient des réformes démocratiques.

Des dizaines de femmes avaient été agressées sexuellement par des groupes d'hommes lors des manifestations de la place Tharir. Parmi elles, plusieurs journalistes couvrant les événements, dont Sonia Dridi, de France 24, Hania Moheeb, de Nile TV, Caroline Sinz, de France 3, Lara Logan, de CNN et Natasha Smith, une étudiante en journalisme qui tournait un documentaire.

- Avec La Presse