Les diplomates américains qui rapportaient souffrir d’un mal mystérieux à Cuba entre 2016 et 2018 présentent moins de matière blanche dans leur cerveau que la normale, ont remarqué des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie. La cause de ces différences reste toutefois inconnue.

« Je peux seulement dire que leurs cerveaux ont subi quelque chose pour les rendre différents de ceux du groupe de contrôle, mais je ne peux pas dire ce que c’est », déclare Ragini Verma, professeure de radiologie à l’université de Pennsylvanie et auteure principale de l’étude.

Entre la fin de l’année 2016 et mai 2018, des employés de l’ambassade américaine de La Havane et des membres de leurs familles ont rapporté des problèmes de santé comme la perte d’équilibre et de coordination, et des vertiges. La cause de ces symptômes était inconnue. Le président des États-Unis, Donald Trump, parlait d’une « attaque acoustique » de la part de Cuba, mais sans preuve.

Le gouvernement a envoyé les employés et les membres de leur famille présentant les symptômes pour une évaluation clinique. Des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie ont utilisé les données cliniques de ces évaluations pour voir si le cerveau de ces employés avait subi des changements. Quatorze employés de l’ambassade canadienne rapportaient les mêmes symptômes, mais ils n’ont pas été inclus dans l’étude.

Avec l’imagerie par résonance magnétique (MRI), les chercheurs ont remarqué une diminution du volume de matière blanche dans le cerveau. « On peut voir le cerveau comme un réseau d’autoroutes. Il y a des routes qui relient différentes régions. La matière blanche de cerveau représente ces routes et la matière grise représente les régions. Sur les routes, il y a du trafic, soit l’activité du cerveau, illustre Ragini Verma. Nous avons utilisé trois types d’imagerie par résonance magnétique (MRI) pour faire une sorte de carte Google. Ça nous a permis de voir le volume de matière blanche, son état et l’activité du cerveau. »

Les problèmes observés sont liés aux mouvements des yeux, à l’équilibre, à la posture et d’autres mouvements nécessitant la coordination. « Le cervelet est responsable de tous ces éléments. Notre première hypothèse était donc qu’il y avait une différence dans le cervelet. L’imagerie est venue appuyer cette hypothèse », confirme la chercheuse. Elle note que les différences dans le cervelet et le reste du cerveau observées chez les diplomates et leurs proches ne ressemblent pas celles d’autres maladies.

Les chercheurs ont ensuite voulu déterminer si l’activité du cerveau avait aussi changé. Les chercheurs ont ciblé les régions liées aux différents symptômes comme la vision et l’audition et ont remarqué une baisse de l’activité.

« Les différences dans le cerveau peuvent seulement lorsque le cerveau subit quelque chose. Lorsque ces différences se produisent en relation avec les symptômes, les résultats de l’imagerie sont sous-jacents à ces symptômes cliniques. »

En octobre 2018, des médecins employés par le Département d’État des États-Unis avaient qualifié les problèmes de « trouble du réseau cérébral ». D’après Ragini Verma, l’imagerie a aidé à prouver qu’il y avait une anomalie dans le cerveau, mais elle ne peut pas identifier la cause.

Parmi les 40 employés étudiés, douze avaient déjà eu des lésions cérébrales dans le passé comme une commotion. « Nous les avons exclus de l’étude et refaits l’analyse. Nous avons vu les mêmes différences. Ces différences ne venaient donc pas d’une condition préexistante ».

Certains employés sont en réhabilitation et d’autres sont de retour au travail. Ragini Verma pense qu’il faut continuer de suivre l’évolution des changements dans leur cerveau. « S’il y a deux routes d’un point A à un point B et qu’une de ces routes n’est plus fonctionnelle, le trafic ira vers la route encore en fonction. Deux choses peuvent arriver. Avec la surutilisation, cette seconde route peut briser à son tour ou elle peut être renforcée. Il y a donc deux types de changement dans le cerveau : la réhabilitation ou la compensation. »

L’étude a été critiquée par certains chercheurs. « La liste des limites de l’étude est plus longue que la discussion sur les données. Cela implique que les auteurs ont rencontré une certaine résistance de la part du comité examinateur de la publication. Pourtant, les éditeurs ont décidé de publier une étude incomplète », écrit le Dr Sergio Della Salla de l’Université d’Édimbourg dans un courriel à La Presse.