Le chroniqueur du Washington Post Richard Cohen estime ici que le rôle d'Eric Holder dans le «pardon» accordé en 2001 par Bill Clinton à Marc Rich devrait le disqualifier pour le poste de ministre de la Justice que lui a confié hier Barack Obama. Un rôle plus important que les supporteurs d'Holder ont voulu le laisser croire, selon un article publié aujourd'hui dans le New York Times. Je cite un extrait d'un article de L'Express sur Rich, pour permettre de comprendre la controverse :

Il y a des pardons ravageurs. Pourtant, cette fois-ci, Marc Rich croyait avoir enfin sa rédemption. Poursuivi depuis 1983 pour fraude fiscale et contournement d'embargo par la justice américaine, ce négociant de matières premières, devenu citoyen espagnol puis israélien, s'était réfugié en Suisse. Ce milliardaire discret avait repris ses activités dans son QG blindé de Zoug, en Suisse, et recevait chaque été ses amis dans sa somptueuse villa de Marbella, en Espagne. Mais, ayant échappé à deux tentatives d'enlèvement organisées par les services américains, ce fugitif en col blanc se savait traqué: il avait toujours des valises prêtes à ses côtés, en cas d'urgence... Et il rêvait de régler son dossier à l'amiable. Miracle? Le 20 janvier, à la dernière minute de son mandat, le président Bill Clinton lui accorde finalement son «pardon», dans une liste de 176 graciés. Une décision irréversible. Mais voilà: arraché dans des conditions controversées, ce pardon présidentiel provoque un tollé aux États-Unis.

Selon Richard Cohen, la faute d'Eric Holder aura été de ne pas avoir su dire non à Clinton, dont l'entourage a courtcircuité le processus normal pour obtenir la grâce de Rich. Je cite un extrait de sa chronique traduit par guylaine101 :

Chaque fois que je mentionne que le choix de Holder au poste de ministre de la Justice me dérange, on me répond que tout le monde a droit à une erreur, et j'en conviens. Je réplique alors que, pour presque tout le reste, Holder est le candidat de rêve : il a été procureur du District de Columbia, juge et avocat respecté au sein d'un cabinet privé. De plus, je le connais personnellement et il est charmant. Ses subalternes l'apprécient bien. Il serait difficile de trouver un meilleur candidat au poste de ministre de la Justice... si on fait abstraction du pardon.

Mais il est impossible d'en faire abstraction. Ce geste laisse penser qu'Holder, peu importe ses autres qualifications, ne pouvait rien refuser au pouvoir. La demande de pardon de Rich était cousue de fil blanc, dans ce cas-ci le pouvoir des importants solliciteurs de fonds du Parti démocrate. Holder a de plus déclaré qu'il était «vraiment frappé» par le fait que le premier ministre israélien Ehoud Barak appuyait Rich et par les «avantages de ce pardon en ce qui a trait à la politique étrangère». Cela constitue une drôle de façon de concevoir la justice américaine. De plus, on peut se demander ce qui lui est bien passé par la tête. Croyait-il que les relations entre Israël et les É.-U. en souffriraient? Holder ne paraît pas naïf ici, mais plutôt fourbe.

(Photo AP)