Mon collègue de La Presse Karim Benessaieh résume ainsi la longue enquête publiée dimanche dans le New York Times sur les conditions de travail dystopiques qui sévissent chez le géant de la distribution Amazon :

Après avoir interviewé une centaine d'employés, anciens et actuels, la plupart sous le couvert de l'anonymat, les journalistes Jodi Kantor et David Streitfel dressent un portrait effarant de la culture de performance extrême chez Amazon. Les semaines de 80 heures y seraient fréquentes, on encourage les employés à mettre en pièces les idées de leurs collègues, ceux qui ont le malheur de tomber malades, de faire une fausse couche ou d'avoir des enfants se voient dénigrés. «Presque chaque personne avec qui j'ai travaillé, je l'ai vue pleurer à son bureau», raconte une ex-employée. Résultat: les employés passent en moyenne un an chez Amazon avant d'aller voir ailleurs. Le taux de roulement anormal est appelé «darwinisme intentionnel» par un ex-directeur des ressources humaines interviewé.

Au coeur de la méthode Amazon, on retrouve une pratique controversée, le «stack ranking» (classement en piles), parfois appelé «rank and yank» (classe et jette). Les employés sont constamment évalués et classés, du meilleur au plus médiocre. L'«Anytime Feedback Tool» permet par exemple aux employés de se plaindre de leurs collègues auprès de la direction. Chaque année, les directeurs se rencontrent et placent leurs employés selon leur évaluation, mettant dehors ceux qui ont les plus mauvaises évaluations. Des employés atteints de cancer, qui ont fait une fausse couche ou eu des problèmes personnels auraient été évalués injustement et auraient perdu leur emploi avant d'avoir pu se remettre. Amazon, écrit le NYT, mène «une expérience peu connue pour savoir jusqu'à quel point on peut mettre sous pression les employés de bureau, repoussant les limites de ce qui est acceptable». D'autres grandes entreprises, comme Microsoft et General Electric, ont déjà annoncé ne plus pratiquer cette forme cruelle d'évaluation.

Jeff Bezos, le grand patron d'Amazon, a affirmé ne pas reconnaître dans ce portrait la compagnie qu'il a fondée. Mais reconnaissez-vous celle pour laquelle vous bossez? Allez, racontez-nous vos histoires les plus effarantes. Jamais l'emploi des pseudonumes n'aura été plus justifié dans la section des commentaires de ce blogue...