«C'est sorti il y a quelques instants. Je dois vous raconter ça», a déclaré Donald Trump hier lors d'un rassemblement en Pennsylvanie, tout en brandissant un document.

Et le candidat républicain de lire un extrait d'un courriel qu'il a attribué à Sydney Blumenthal, un confident d'Hillary Clinton impliqué dans plusieurs théories de complot inventées par une certaine droite américaine qui gravite autour du site d'information Breitbart.

«Il admet maintenant qu'ils auraient pu faire quelque chose au sujet de Benghazi. Ça vient de sortir», a déclaré Trump en faisant allusion au contenu présumé du courriel publié quelques instants plus tôt par WikiLeaks.

Détail important : Blumenthal n'a jamais reconnu que le département d'État ou une autre agence américaine aurait pu prévenir l'attaque terroriste contre la mission américaine à Benghazi en septembre 2012. Cependant, Sputnik, organe de propagande du pouvoir russe, a publié hier sur son site un article faisant état d'une telle admission avant de le retirer.

Les commentaires attribués par Trump et Sputnik à Blumenthal étaient en fait tirés d'un article de 10 000 mots du magazine Newsweek que Blumenthal avait copié dans un courriel adressé à John Podesta, président de la campagne de Clinton. L'article était signé par le chroniqueur Kurt Eichenwald, qui y accusait la majorité républicaine de la Chambre des représentants d'utiliser les vastes ressources du gouvernement fédéral dans une énième enquête sur l'affaire Benghazi dont la seule raison d'être était politique.

Eichenwald a signé hier un article sur la méprise de Trump et Sputnik, méprise tellement grossière que le médias russe a choisi de la faire disparaître. Je cite un extrait du billet d'Eichenwald :

«Bien sûr, cela pourrait être l'occasion de ridiculiser l'incompétence des pirates informatiques russes et des médias du gouvernement. [Mais] comment donc Donald Trump a-t-il pu finir par reprendre la même fausseté publiée par l'organe de Poutine?»

Eichenwald laisse la question sans réponse. On sait cependant que le site Breitbart est friand des nouvelles publiées par les organes de propagande russes. On peut donc avancer l'hypothèse suivante : Steve Bannon, le fondateur de Breitbart et PDG de la campagne de Trump, a refilé à ce dernier l'information de Sputnik présentée comme une «Surprise d'octobre» susceptible de chambouler la campagne présidentielle.

Chose certaine, Trump est un admirateur de WikiLeaks. «J'adore WikiLeaks», a-t-il déclaré hier. Et il ne se formalise pas du fait que le site de Julian Assange publie des informations piratées par des agents du gouvernement russe dans le but d'influencer les élections américaines, selon le directeur du Renseignement national et des parlementaires républicains.

«Peut-être n'y a-t-il pas eu de piratage», a déclaré Trump lors du deuxième débat présidentiel après avoir mis en doute le rôle du gouvernement russe dans la campagne ciblant des organisations et des responsables démocrates.

Cette déclaration de Trump, qui s'ajoute à ses propos trompeurs ou mensongers sur les interventions russes en Ukraine et en Syrie, a poussé le Washington Post à poser une question importante à la fin d'un éditorial publié aujourd'hui sous le titre «Donald Trump, marionnette de Poutine» :

«Voici ce que nous ne savons pas : est-ce que M. Trump propose cette collaboration avec un régime voué à l'affaiblissement du pouvoir américain par ignorance ou par naïveté, ou en raison d'intérêts personnels ou commerciaux qu'il n'a pas dévoilés? M. Poutine doit sûrement connaître la réponse à cette question. Mais pas les électeurs américains.»