«Quand j'ai décidé de [virer James Comey], je me suis dit : ''Cette affaire russe concernant Trump et la Russie est une invention''. C'est une excuse utilisée par les démocrates pour expliquer leur défaite lors d'une élection qu'ils auraient dû gagner.»

En prononçant ces mots hier lors de son interview à NBC (à partir de 0:43 de la vidéo qui coiffe ce billet), Donald Trump n'a-t-il pas admis que l'enquête du FBI sur les liens entre son entourage et la Russie l'avait poussé à renvoyer le directeur de la police fédérale? Si oui, ne pourrait-il pas être poursuivi pour entrave à la justice?

Le New York Times publie aujourd'hui un texte éclairant qui répond à ces questions cruciales. D'entrée, il faut admettre qu'il n'est pas facile de prouver une entrave à la justice dans un cas pareil. Il faudrait qu'un procureur fédéral puisse établir hors de tout doute que Trump avait l'intention spécifique de saborder l'enquête sur l'affaire russe lorsqu'il a renvoyé Comey.

Or, le président a invoqué divers motifs pour justifier ce renvoi, de la façon dont Comey a géré l'affaire des courriels d'Hillary Clinton à sa propension à se donner en spectacle en passant par le chaos régnant au sein du FBI.

Autre détail important : dans cette interview à NBC, Trump a également émis le souhait que l'enquête sur l'affaire russe soit «faite correctement».

Cela dit, Trump pourrait en théorie être accusé d'entrave à la justice dans le cadre d'une procédure de destitution, qui est guidée en bonne partie par des critères politiques.

Autre question soulevée par l'interview de Trump à NBC : le président a-t-il menti en racontant son désormais célèbre dîner du 27 janvier dernier avec James Comey à la Maison-Blanche?

Selon la version offerte par Donald Trump, le directeur du FBI a demandé au président de dîner avec lui pour lui demander de le maintenir à son poste. Au cours du repas, il a également assuré son hôte qu'il ne faisait pas l'objet d'une enquête. Or, des proches de Comey ont fourni une toute autre version de ce repas (que la Maison-Blanche s'est empressée de nier).

Selon cette version, le président a invité Comey à la Maison-Blanche, plaçant le directeur du FBI dans une situation inconfortable. Et, au cours du repas, il a demandé à deux reprises à son invité de lui promettre sa «loyauté». Comey a répondu qu'il pourrait compter sur son «honnêteté» mais pas sur sa fiabilité dans un sens politique.

Évidemment, le directeur du FBI ne doit pas être un «loyaliste». C'est d'ailleurs pour cette raison que son mandat s'étend sur dix ans.

Autre question découlant du renvoi de Comey : Rod Rosenstein, ministre de la Justice adjoint, a-t-il lui-même écrit la note de trois pages portant sa signature et utilisée par son supérieur, Jeff Sessions, pour recommander le licenciement du directeur du FBI. En faisant allusion aux déclarations tirées de journaux qu'on y trouve, la sénatrice démocrate de Californie Dianne Feinstein exprime un scepticisme certain (lire la fin de cet article).

Comme d'autres démocrates, Feinstein a hâte d'entendre la version de Rosenstein.

P.S. : Petit matin occupé pour Trump sur Twitter. Après avoir menacé de mettre fin aux points de presse quotidiens de la Maison-Blanche, le président a lancé un avertissement à Comey : «James Comey ferait bien d'espérer qu'il n'existe pas d'"enregistrements" de nos conversations avant de commencer à faire des révélations à la presse!»