Tout en saluant l'engagement civique des survivants de la fusillade de Parkland et de leurs supporteurs, l'ancien juge de la Cour suprême des États-Unis John Paul Stevens estime que ceux-ci ne vont pas assez loin dans leurs demandes. Selon lui, ils ne devraient pas seulement appeler le Congrès à adopter des mesures pour interdire la possession d'armes semi-automatiques, hausser l'âge de ventes d'armes à 21 ans et établir un système de vérification des antécédents universel. Ils devraient aussi réclamer l'abrogation du deuxième amendement de la Constitution. Je cite une tribune que le juge à la retraite signe aujourd'hui dans le New York Times :

«La crainte qu'une armée nationale permanente puisse représenter une menace à la sécurité des États distincts a mené à l'adoption de cet amendement, qui stipule qu'''une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, il ne pourra être porté atteinte au droit du peuple de détenir et de porter des armes.'' Aujourd'hui, cette crainte est un vestige du 18e siècle.»

Pendant plus de 200 ans aux États-Unis, personne n'a vu une contradiction entre le deuxième amendement et le droit du gouvernement fédéral et des États d'adopter des mesures pour contrôler les armes à feu, rappelle John Paul Stevens. Quand la National Rifle Association a commencé à sa campagne pour contester cette interprétation, l'ancien président de la Cour suprême, Warren Burger, nommé à ce poste par Richard Nixon, a d'ailleurs estimé que la thèse défendue par le lobby des armes à feu représentait «la plus grande supercherie, et je répète le mot supercherie, perpétrée contre le public américain de mon vivant».

La NRA a quand pu crier victoire en 2008 lorsque la Cour suprême dominée par des juges conservateurs a reconnu, par cinq voix contre quatre, «le droit individuel de posséder et de porter des armes en cas de confrontation». Depuis, le lobby est parvenu à faire croire à ses membres et à ses alliés que toute mesure pour contrôler les armes est un affront à la Constitution, et ce, même si l'auteur de la décision de 2008, le juge ultraconservateur Antonin Scalia, a écrit noir sur blanc que le droit de posséder et de porter des armes en cas de confrontation, «comme la plupart des droits», peut-être soumis à des restrictions.

Renverser la décision de la Cour suprême de 2008 «par le biais d'un amendement constitutionnel abrogeant le deuxième amendement serait simple et accomplirait davantage pour réduire la capacité de la NRA d'enrayer le processus législatif et de bloquer les mesures constructives pour contrôler les armes à feu que tout autre option disponible», écrit John Paul Stevens, qui célébrera ses 98 ans le 20 avril.

Il faut croire que l'idéalisme et l'optimisme ne sont pas l'apanage de la jeunesse,