La course à la succession de Ban Ki-moon pourrait prendre une nouvelle tournure à l'issue du vote d'aujourd'hui. L'arrivée d'une nouvelle candidature proposée par la Bulgarie pourrait changer la donne en reléguant le favori au deuxième rang, ouvrant ainsi la voie à l'élection d'une première femme au poste de secrétaire général des Nations unies.

La progression d'António Guterres vers le siège de secrétaire général des Nations unies (ONU) pourrait dérailler, avec l'entrée en scène d'une nouvelle candidate.

L'ancien premier ministre portugais faisait jusqu'à maintenant figure de favori dans la course à la succession de Ban Ki-moon, qui quittera ses fonctions en décembre, étant arrivé en tête des cinq premiers tours de scrutin.

Or, le sixième tour, qui se tient aujourd'hui au Conseil de sécurité, permettra aux cinq membres permanents (États-Unis, Royaume-Uni, France, Russie et Chine) de s'opposer à l'une des 10 candidatures, fût-ce celle du meneur.

Surtout que l'arrivée surprise dans la course de la Bulgare Kristalina Georgieva, actuelle vice-présidente de la Commission européenne chargée du budget, risque de brouiller les cartes.

La Bulgarie a ainsi lâché la semaine dernière sa candidate originale, la directrice générale de l'UNESCO Irina Bokova, après que celle-ci est arrivée sixième au plus récent tour de scrutin, pour soutenir Mme Georgieva.

La nouvelle candidate se soumettra pour la première fois aujourd'hui au vote du Conseil de sécurité, après avoir répondu lundi durant deux heures aux questions des membres de l'Assemblée générale des Nations unies, une procédure nouvelle cette année.

CHANGEMENT DE DONNE

L'entrée en scène de Kristalina Georgieva « peut changer complètement » la donne, a confié à La Presse l'ancienne vice-secrétaire générale de l'ONU, la Québécoise Louise Fréchette.

« Ça peut inciter plusieurs candidats à se retirer, éventuellement », analyse-t-elle, évoquant le « parcours assez impressionnant » de la nouvelle candidate.

Le fait qu'elle soit une femme pourrait aussi jouer en sa faveur, certains pays ayant ouvertement dit souhaiter voir une femme succéder au Sud-Coréen Ban Ki-moon.

C'est le cas notamment de la Russie, un membre permanent du Conseil de sécurité, qui possède donc un droit de veto, qui a aussi répété au cours des dernières semaines son désir de soutenir un candidat originaire d'Europe de l'Est.

Moscou pourrait donc mettre son veto à la candidature d'António Guterres, ouvrant ainsi la voie à Kristalina Georgieva.

ALTERNANCE RÉGIONALE

Beaucoup de pays accordent d'ailleurs encore une grande importance à la tradition de l'alternance régionale à la tête des Nations unies, affirme Louise Fréchette, ce qui pourrait nuire à António Guterres.

« Les cinq candidats [qui le suivent] sont des gens d'Europe de l'Est. Je pense que ça signale que les pays d'autres régions sont peut-être hésitants à abandonner la tradition, en pensant à la prochaine élection, quand ça sera leur tour. » - Louise Fréchette, ex-vice-secrétaire générale de l'ONU

Bien d'autres facteurs entrent cependant en ligne de compte, chaque pays ayant sa « propre idée de ce qui fait un bon secrétaire général », explique Mme Fréchette.

« Les pays occidentaux vont être tentés par quelqu'un qui a des qualités politiques, mais qui est capable de gérer cette machine-là », illustre-t-elle, alors que cet aspect n'entre pas dans les calculs d'autres pays.

Certains veulent par exemple un secrétaire général qui utilise sa tribune pour rappeler à l'ordre les mauvais élèves, alors que d'autres veulent à tout prix éviter ce genre de candidat. Mais tous veulent « quelqu'un qui peut avoir des relations productives », affirme-t-elle.

« Un secrétaire général qui serait à couteaux tirés avec les cinq membres permanents [du Conseil de sécurité], ça ne servirait les intérêts de personne. » - Louise Fréchette, ex-vice-secrétaire générale de l'ONU

Le Conseil de sécurité doit poursuivre les tours de scrutin jusqu'à ce qu'un candidat obtienne neuf voix en sa faveur et aucun veto ; le nom de celui-ci sera ensuite transmis à l'Assemblée générale pour ratification.

Photo Pierre Albouy, Arcchives Reuters

Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, quittera ses fonctions en décembre dernier.