Mal connue, pauvre et traversée par les conflits du monde, l'UNESCO, qui aura 70 ans lundi, est convaincue que son mandat - contribuer au maintien de la paix par la collaboration intellectuelle - est plus que jamais nécessaire.

L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, dont le siège est à Paris, a été profondément affectée par les attentats commis dans la capitale française vendredi, qui ont fait au moins 128 morts.

« Ce surcroît de haine appelle en réponse un supplément d'unité, pour réaffirmer plus que jamais les valeurs de paix, de dialogue et de compassion, et tenir debout contre la barbarie », a réagi sa directrice générale Irina Bokova dans un communiqué.

Dans un entretien avec l'AFP, effectué avant ces attaques, elle soulignait déjà l'importance de son organisation en ces temps troublés.

L'idée de s'appuyer sur la coopération intellectuelle pour soutenir la paix « n'a jamais été plus pertinente qu'aujourd'hui avec l'augmentation des conflits, l'intolérance qui ravage les sociétés, les défis du réchauffement climatique, la perte de la biodiversité et la nécessité de plus de droits de l'Homme », juge-t-elle, dressant un catalogue qui illustre la force et la faiblesse de l'UNESCO.

L'UNESCO est surtout réputée pour son travail de protection du patrimoine, notamment sa campagne menée dans les années 1960 en Égypte pour sauver les statues d'Abou Simbel, un réél « succès » selon la chercheuse Chloé Maurel, auteure de Histoire de l'UNESCO (Éditions L'Harmattan, 2010).

Même si l'organisation est restée impuissante face aux destructions par des islamistes des bouddhas de Bamiyan en Afghanistan en 2001 ou dans la cité antique de Palmyre en Syrie aujourd'hui, sa liste du patrimoine mondial de l'humanité est « un label de prestige », ajoute la chercheuse.

« Problème de lisibilité »

Moins connu: l'UNESCO est à l'origine d'une convention sur le droit d'auteur qui a créé le fameux copyright en 1952, d'une déclaration majeure démontant la notion de races en 1978, ou encore d'un système d'alerte sur les tsunamis en 2005. Surtout, elle fut l'une des premières à insister sur l'importance d'un « développement durable » et sur la promotion d'une éducation pour tous.

Mais dans ces domaines, « elle est marginalisée par d'autres acteurs », relève Chloé Maurel. Dans la sphère éducative, par exemple, elle est notamment « éclipsée par l'OCDE » ou par les programmes opérationnels de l'Unicef.

« L'UNESCO souffre d'un problème de lisibilité », reconnaît un diplomate qui travaille dans cette enceinte. Elle connaît aussi « des tensions entre intellectuels et diplomates », ajoute-t-il.

Créée pour rassembler des intellectuels, comme l'anthropologue français Claude Lévy Strauss ou le biologiste britannique Julian Huxley, l'UNESCO a progressivement fait de la place aux politiques.

En conséquence, les conflits géopolitiques créent régulièrement des tensions entre les 195 États membres. Pendant la guerre froide, les États-Unis et le Royaume-Uni ont boycotté l'UNESCO pendant plusieurs années lui reprochant d'être acquise au bloc soviétique. En 2011, à la suite de l'adhésion de la Palestine, les États-Unis et Israël ont suspendu leurs cotisations, privant l'organisation de près d'un quart de ses ressources.

« L'UNESCO est un organe intergouvernemental, pas une ONG », rétorque Mme Bokova pour qui le rôle de l'UNESCO est justement de faire émerger des « consensus » pour « ne pas rester otage de ces conflits ».

Selon le diplomate déjà cité, l'UNESCO est d'ailleurs l'une des instances « où l'on peut le plus discuter des sujets sensibles. C'est lent, long, compliqué, difficile, mais ça a le mérite d'être possible », dit-il.

Quant aux problèmes financiers de l'UNESCO qui, avec un budget légèrement supérieur à 500 millions d'euros, est l'une des moins dotées des agences onusiennes, ils semblent en voie d'être surmontés. « Nous souffrons financièrement depuis la suspension des cotisations américaines », reconnaît Irina Bokova. « En même temps, nous n'avons jamais eu autant de ressources extérieures ».

Pour la source diplomatique, « l'UNESCO est en train de sortir d'une période très compliquée. Elle est convalescente, mais elle est de retour, plus fringante qu'avant », notamment parce que la communauté internationale a besoin d'elle.

Pour preuve, plusieurs chefs d'État et de gouvernement avaient annoncé leur présence lundi et mardi aux célébrations de son 70e anniversaire. Après les attentats, le programme est devenu incertain.