Samar Jbara, 20 ans, de Naplouse, en Cisjordanie, a reçu un éclat d'obus dans le ventre pendant qu'elle cueillait des olives, au mois de septembre 2008. L'événement, assez traumatisant en soi, l'était d'autant plus que Samar était enceinte de quelques semaines. Quand Eva est née, en mai dernier, sans oeil gauche, ses parents ont cru que c'était à cause de ce tir de l'armée israélienne.

Mais un éclat d'obus a-t-il réellement emporté l'oeil gauche d'Eva Jbara? Le Dr Ghassen Boubez, vice-président sortant de la Fondation canado-palestinienne du Québec, qui a pris la petite fille sous son aile, n'est pas de cet avis. «C'est une microphtalmie. Ça existe partout dans le monde. On n'en voit pas ici parce que les microphtalmies sont traitées.» 

La microphtalmie est un arrêt du développement de l'oeil chez le foetus à cause d'une anomalie congénitale. Pour le médecin, et même si les parents sont persuadés du contraire, l'éclat d'obus reçu par Mme Jbara n'a rien à voir avec le handicap de leur fille.

Cela dit, le Dr Boubez croit néanmoins qu'Eva a besoin d'une opération. «En plus d'être aveugle d'un oeil, son visage se développera de façon asymétrique, ce qui peut causer un handicap psychologique», dit ce chirurgien orthopédique de l'hôpital Notre-Dame.

 

L'oeil d'Eva Jbara

Contrairement à ce qui a été déclaré lors de la conférence de presse mardi concernant la petite Eva Jbara, une enfant palestinienne née sans oeil gauche, la prothèse oculaire dont a besoin la petite fille ne sera pas implantée à l'hôpital Sainte-Justine mais plutôt au laboratoire de l'oculariste montréalais Jean-François Durette. La prothèse ne rendra pas la vue à l'enfant mais permettra à son visage de se développer normalement.

 

Opérée en avril

Les Jbara sont arrivés à Montréal au mois de janvier, parrainés par la Fondation canado-palestinienne du Québec, pour qu'Eva puisse être opérée à l'hôpital Sainte-Justine. La Fondation s'est portée garante de la famille, assurant aux autorités qu'elle n'avait pas l'intention de rester au Canada après qu'on aura implanté un oeil artificiel à la petite fille, au mois d'avril.

Un comité s'est formé pour trouver un logement à la famille pour les trois mois de son séjour à Montréal. Les 12 000$ que coûte l'opération ont été recueillis auprès de donateurs sans même qu'on ait à organiser une collecte de fonds, dit Ghassan Boubez. «Actuellement, ce sont surtout des non-Palestiniens qui ont donné de l'argent», ajoute le médecin.

Mais l'argent n'a pas été facile à amasser, dit Laith Marouf, de l'organisme Solidarité pour les droits humains des Palestiniens. «Lorsque nous avons fait appel à la communauté, certaines personnes ont souligné que, dans les derniers mois, le gouvernement conservateur s'en est pris à certains organismes qui s'occupent du dossier palestinien, comme Droits et Démocratie, Alternatives et Kairos. Certains membres de la communauté se sont inquiétés du fait que même aider un enfant qui a besoin de soins médicaux puisse leur nuire.»

Politique, ou pas

La Fondation, précise Ghassan Boubez, parraine quelque 200 orphelins palestiniens, mais ne se mêle pas de politique. «Nous sommes un organisme humanitaire, on ne mêle pas les deux.»

Hier, en conférence de presse, les organismes présents n'ont pas manqué, eux, d'aborder la question politique de la violence dans les territoires occupés, en prenant le handicap d'Eva pour exemple.

Pour Sireen Atta, de l'organisme montréalais Tadamon!, le cas d'Eva «est l'un des exemples de la barbarie d'Israël qui s'acharne sur les civils». Entre décembre 2008 et janvier 2009 seulement, les attaques de l'armée israélienne contre le Hamas ont causé la mort de 431 enfants palestiniens, selon l'ONU.