«Achetez une montre Obama! Je vendais des montres McCain, mais je m'en suis débarrassé. Elles ne fonctionnaient pas.»

À la vue des montres tenues à bout de bras par un vendeur au sens de l'humour aussi développé que son sens des affaires, Burton Rojas s'emballe. «Attendez-moi, je vais en chercher une», lance-t-il.

Sous les aiguilles de la montre, on peut lire que «c'est le temps du changement». On aurait aussi pu écrire que le changement, ça peut prendre du temps. Je fais la queue depuis une bonne demi-heure sous le soleil de plomb.

Il m'avait auparavant fallu une autre demi-heure de marche entre des blocs de béton surmontés de clôtures pour me rendre à l'endroit où débutait la queue.

Il me restait encore une bonne demi-heure afin d'atteindre le stade des Broncos de Denver, où Barack Obama allait apparaître en fin de soirée devant une foule en liesse.

Burton Rojas, employé de l'université californienne Pepperdine, se trouvait derrière moi. Il ne se formalisait pas de ses contraintes. «Je suis si excité. C'est l'histoire qui s'écrit. Je vais pouvoir dire que j'étais à la convention où il a été désigné candidat. Que j'ai assisté à son discours!»

Cadeau de fête

Son amie et collègue, Rian Schoeffling, était aussi survoltée. «C'est un événement historique. Ma mère me disait comment JFK avait compté pour elle. Je sens qu'Obama est notre JFK.»

Elle n'avait pas assez d'argent pour prendre l'avion afin d'assister au discours du John Fitzgerald Kennedy de sa génération. Elle a proposé à ses amis de se regrouper pour lui offrir un billet comme cadeau d'anniversaire. Ils ont immédiatement accepté. Ils l'enviaient.

Plus on s'approche du stade, plus les vendeurs se multiplient. Voici qu'on nous offre un t-shirt où le visage de Barack Obama est fusionné à un pied de brocoli. «Baracoli, bon pour l'ensemble du pays.»

L'atmosphère est à la fête. On jurerait faire partie d'une foule qui se rend à un concert rock. Même ce policier qui nous surveille arbore un large sourire. Il tient sur sa poitrine une feuille où on a inscrit «Restez positifs».

Arrivés aux portes du stade, on nous fouille comme si on était dans un aéroport. Ici, les agents de sécurité ne sourient plus. Mais ce sera bref. Quelques mètres plus loin, on est accueilli par une fanfare.

Avant de franchir la porte pour entrer dans le stade, j'entame la discussion avec Nancy Pena-Brink. Elle porte huit macarons à l'effigie d'Obama, dont l'un est posé sur sa casquette.

«C'est seulement une partie de ce que je possède», explique-t-elle. Cette vendeuse qui habite la Floride est aux anges. Elle aussi parle d'un moment historique.

«Notre sauveur»

Elle nous dit avoir acheté, à Denver, deux chandails pour sa petite-fille. Un geste plus que symbolique. Âgée de 15 mois, l'enfant a regardé plusieurs étapes de la course au leadership démocrate à la télé avec sa grand-maman. «Elle peut dire: wow, hey et Obama. Ça fait six mois qu'on pratique!» affirme fièrement cette fille d'immigrants portoricains.

Cette obamamanie est de plus en plus exploitée par les républicains. Hier, par exemple, un groupe de jeunes s'était positionné tout près de l'endroit où plusieurs spectateurs commençaient leur longue marche vers le stade.

Ils s'étaient parés de draps, transformés pour l'occasion en toges. Une référence aux colonnes grecques installées sur la scène où le candidat démocrate prononcerait son discours.

«Nous sommes ici pour célébrer l'avènement de notre sauveur, Barack Obama», m'a expliqué Dayton Headlee, 22 ans. Originaire de l'Arkansas, il s'était visiblement déplacé au Colorado uniquement pour pouvoir railler le candidat démocrate.

Après une brève entrevue, il s'est prosterné devant une grande affiche d'Obama, à l'instar de ses collègues. Puis, tel un choeur grec, ils ont lancé d'une seule voix: «Nous ne te méritons pas!»