Le président français Nicolas Sarkozy s'est engagé jeudi à ne pas céder aux pressions de Pékin sur les droits de l'Homme devant le Parlement européen, qu'il a tenté de rallier à la cause de la présidence française de l'UE par une vaste offensive de charme.

Alors que le leader des eurodéputés Verts Daniel Cohn-Bendit qualifiait de «honte» sa décision d'assister à la cérémonie d'ouverture des Jeux de Pékin le 8 août, Nicolas Sarkozy a répondu qu'il avait eu «l'accord de tous» les dirigeants de l'UE et qu'on «ne pouvait pas boycotter un quart de la population mondiale».

«Il y a des choses que je ne dirai pas à la Chine parce que la Chine doit être respectée, mais il y a des choses que la Chine ne doit pas dire aux pays européens», a-t-il néanmoins poursuivi.

«Ce n'est pas à la Chine de fixer mon agenda et mes rendez-vous», a-t-il affirmé, alors que l'ambassadeur de Chine à Paris avait averti mercredi des «conséquences graves» qu'aurait une rencontre entre M. Sarkozy et le dalaï lama, lors de la visite de ce dernier prévue en France en août.

Il a assuré que personne ne pourrait lui «interdire» de «rencontrer un prix Nobel», tout en précisant qu'il «communiquerait le moment venu» sur une éventuelle rencontre.

Pour sa première intervention dans l'hémicycle européen en tant que président de l'UE, il a répondu consciencieusement pendant trois heures et demi aux eurodéputés qui l'interpellaient, et fait des yeux particulièrement doux au groupe socialiste, deuxième force politique derrière des conservateurs déjà globalement acquis à sa cause.

Il a insisté sur l'importance du soutien des eurodéputés à sa présidence, pour surmonter «le moment difficile» créé par le non irlandais au traité de Lisbonne, censé permettre à l'Europe élargie de mieux fonctionner.

M. Sarkozy a espéré pouvoir proposer une solution pour sortir de la crise «soit en octobre, soit en décembre». Et fait de la fin de l'année une échéance en disant qu'il ne serait alors «pas trop tôt en décembre de dire aux Européens: voilà dans quelles conditions et sous quel régime vous allez pouvoir voter six mois après».

Il a à nouveau exhorté le président polonais à «honorer» sa parole en ratifiant le traité de Lisbonne. Lech Kaczynski a indiqué qu'il ne signerait le texte déjà ratifié par son Parlement que si l'Irlande l'approuvait dans un nouveau référendum.

Le leader socialiste, l'Allemand Martin Schulz s'est montré globalement prêt à soutenir la présidence française sur ce problème, comme sur le plan européen de lutte contre le réchauffement climatique.

M. Schulz a jugé «formidable» le voyage de Sarkozy prévu en Irlande le 21 juillet. Mais il l'a appelé à ne pas emmener avec lui son chef de la diplomatie Bernard Kouchner, car «ses interventions ne nous ont pas beaucoup aidés jusqu'à présent». Une allusion à certaines remarques de M. Kouchner très mal accueillies par les Irlandais juste avant le référendum.

M. Schulz a aussi appelé M. Sarkozy à «changer d'avis» sur la politique sociale, après que le président français eut souligné qu'elle restait de la compétence des Etats et non de l'UE.

Le leader des Libéraux, le Britannique Graham Watson, s'est lui aussi montré plutôt ouvert, mais a prié M. Sarkozy de ne pas s'égarer dans des critiques «personnelles», comme celles faites récemment contre le commissaire au Commerce Peter Mandelson.

Le plus critique dans l'hémicycle a été Daniel Cohn-Bendit. «C'est minable d'aller à l'ouverture des jeux Olympiques», a tonné le coprésident des Verts, très ému.

M. Cohn-Bendit a cependant accepté une proposition de M. Sarkozy de préparer avec M. Kouchner une liste de prisonniers politiques dont le président français demandera la libération lors de son voyage à Pékin.