Le succès des conservateurs britanniques ne passe pas inaperçu aux États-Unis à quelques mois de l'élection présidentielle. Les républicains de John McCain ont «beaucoup à apprendre» de David Cameron, estime le chroniqueur du New York Times David Brooks.

Selon cet influent journaliste conservateur, le Parti républicain doit se préoccuper davantage de la qualité de vie des électeurs. Interrogé par La Presse, il a exhorté les troupes de John McCain à cesser de vivre dans l'ombre de Ronald Reagan.

Q La Presse: Vous affirmez que les conservateurs britanniques ont le vent en poupe alors que les conservateurs américains sont en déclin. Quelles leçons le parti de John McCain peut-il tirer des succès des conservateurs britanniques?

R: David Brooks: Les conservateurs américains doivent avant tout reconnaître que les années 80, c'est du passé. Les conservateurs britanniques ont laissé l'idéologie de Margaret Thatcher derrière eux. Mais leurs homologues américains n'ont jamais laissé Ronald Reagan derrière eux. David Cameron affirme que les années 80 étaient celles de l'économie et de la déréglementation alors que les problèmes actuels sont davantage en lien avec la qualité de vie. Qu'il faut donc se concentrer sur des enjeux de société liés à la communauté, la famille, la vie de quartier. Et moins sur le taux de taxation.

Q Pensez-vous carrément que si Ronald Reagan était toujours vivant et se présentait avec le même programme qu'autrefois, il aurait du mal à gagner contre Barack Obama?

R C'est difficile à dire, Son programme était bien sûr taillé sur mesure pour une époque où le taux d'imposition marginal le plus élevé était de quelque 70%. L'Union soviétique était en marche. Le taux de criminalité était très élevé. Le système d'aide sociale n'avait pas encore été réformé. C'était donc une époque différente. Je pense que bon nombre de problèmes auxquels il faisait face ont été résolus ou remplacés par d'autres.

QVous mentionnez que le chef de l'opposition britannique, David Cameron, admire le gouverneur de la Californie, Arnold Schwarzenegger, et le maire de New York, Michael Bloomberg. Pensez-vous que ces deux républicains modérés son plus en phase avec leur époque?

R: L'un des débats au sein du Parti républicain est à savoir si nous devons aller vers la droite ou vers le centre. Certains républicains pensent que nous sommes en difficulté parce que nous avons trahi nos principes. Parce que nous avons trop dépensé. Les dépenses domestiques sous le président George W. Bush ont grimpé bien plus vite que sous le président Bill Clinton. Et certains affirment que si vous dépensez comme des démocrates, les gens vont plutôt élire des démocrates. Mais je pense que vous devez vous diriger plus ou moins vers le centre en proposant des programmes gouvernementaux positifs.

QVous ne pensez donc pas que les ratés actuels de l'économie et le fait que le pays soit dans le rouge, et que proposer de nouvelles dépenses peuvent être problématiques pour les républicains?

RCertains affirment que si les républicains avaient moins dépensé (ces dernières années) ils seraient encore plus en difficulté. À mon avis, vous devez démontrer que vous vous occupez des problèmes des gens. Vous savez, les électeurs américains sont comme tous les autres. Ils veulent moins de dépenses, mais ils veulent aussi moins de problèmes.

QArnold Schwarzenegger a déjà affirmé que l'aile religieuse du Parti républicain a trop de pouvoir. Pensez-vous que c'est l'un des problèmes de cette formation politique?

RJe ne pense pas que ce soit un problème. Les conservateurs religieux ont changé. Ils cherchent beaucoup moins la confrontation. Les conservateurs sociaux représentent une partie très importante du Parti républicain et ce sera toujours le cas. Si vous tentez de les exclure, vous allez détruire le parti.

QMis à part son discours de changement, qui plaît aux électeurs, pensez-vous que le Parti démocrate est aujourd'hui plus en phase avec son époque que le Parti républicain?

RPour rester dans le contexte britannique, sous Bill Clinton, le Parti démocrate avait évolué de la même façon que les travaillistes britanniques sous Tony Blair. Vers ce qu'on a appelé la troisième voie. Mais le Parti démocrate est maintenant différent. Les centristes ne sont plus importants et il est devenu un parti libéral plus traditionnel. Je pense que les républicains sont si peu en phase avec notre époque que les démocrates en bénéficient. Mais je ne pense pas que les Américains veulent que leur gouvernement prenne trop d'expansion. (...) Donc, nous avons peut-être quitté l'époque conservatrice des républicains, mais nous ne sommes pas vraiment entrés dans une époque libérale. Nous attendons de voir de quel côté le vent va tourner.