Les deux chambres du Parlement français réunies lundi en Congrès ont adopté d'extrême justesse une réforme des institutions voulue par Nicolas Sarkozy, approuvée avec une seule voix d'avance sur la majorité requise des 3/5es.

Sur 906 parlementaires en fonction -576 députés et 330 sénateurs-, 905 ont pris part au vote. Il y a eu 896 suffrages exprimés, les abstentions ou les votes blancs n'étant pas pris en compte.

539 élus ont voté pour, 357 contre. Il fallait 538 voix pour que la réforme soit adoptée.

Un «oh» de surprise a accueilli le résultat lors de son annonce dans l'hémicycle du Congrès réuni dans une aile du Château de Versailles, près de Paris, avant que les élus de la majorité se lèvent et applaudissent.

Depuis Dublin, où il se trouvait en tant que président en exercice de l'Union européenne, M. Sarkozy a immédiatement exprimé sa «joie». «C'est la démocratie qui a gagné», a-t-il estimé.

La réforme a été présentée par le chef de l'État comme un moyen de renforcer les pouvoirs du Parlement.

L'opposition de gauche affirme au contraire qu'elle conduira à une présidentialisation accrue du régime. La réforme permet notamment au chef de l'État de s'adresser au Parlement une fois par an, comme le fait le président américain.

Pour être adopté, le texte devait être approuvé par au moins 60% des suffrages exprimés. Le parti majoritaire UMP et ses alliés centristes représentant en théorie 58,5% des élus des deux chambres, ils se sont efforcés jusqu'au bout de convaincre les hésitants.

Les derniers pronostics donnaient une avance d'une dizaine de voix au camp présidentiel. Mais, au final, sept irréductibles de l'UMP ont voté contre la réforme.

Dans le camp socialiste, seul l'ancien ministre Jack Lang -qui était co-auteur du texte- a voté pour. «Il est maintenant face à lui-même», a assuré le porte-parole du PS Julien Dray.

Selon lui, la réforme constitutionnelle «restera entachée de l'extrême étroitesse de la marge avec laquelle elle a été votée».

La ministre de la Justice Rachita Dati a évoqué une «victoire pour les citoyens» et pour le président français.

Un rejet aurait constitué un revers de taille pour M. Sarkozy. Il est personnellement intervenu auprès des membres de son camp tentés par un vote négatif, redoutant un régime «hyperprésidentiel» contraire à l'esprit de la Constitution élaborée par le général de Gaulle en 1958.

L'opposition de gauche, qui a fustigé des «débauchages» et «marchandages» de dernière minute, a dénoncé la mise en place d'une «monocratie» au profit de Nicolas Sarkozy.

Le texte remanie largement la Constitution actuelle, dont il modifie environ la moitié des articles.

Il donne au Parlement plus de moyens de contrôle et d'initiative et instaure la possibilité de référendums d'initiative populaire.

Il revient sur un principe datant de 1875, qui interdisait l'enceinte du Parlement au président au nom du principe de séparation des pouvoirs. Le chef de l'État conserve une immunité quasi-totale mais ne peut plus effectuer plus de deux mandats consécutifs.

Le réforme maintient le principe d'un référendum pour toute nouvelle adhésion à l'UE. Mais ce verrou peut sauter si les trois-cinquièmes du Parlement autorisent le président à choisir la voie parlementaire, une disposition qui a suscité la colère des souverainistes de droite farouchement opposés à une adhésion de la Turquie.

Malgré ses appels à transcender le clivage droite-gauche, M. Sarkozy n'a pas cédé aux principales demandes des socialistes, en particulier sur une modification du mode de scrutin au Sénat (chambre haute du parlement), traditionnellement favorable à la droite.