Le vaste manoir où Charlie Chaplin a vécu les 24 dernières années de sa vie sera bientôt transformé en un musée recréant son univers intime, retraçant son histoire et celle du cinéma au 20e siècle grâce à d'innombrables archives musicales et cinématographiques.

À une quinzaine de kilomètres de Lausanne (ouest), c'est dans une demeure de style colonial anglais, aux colonnades blanches et au majestueux parc boisé de 13 hectares que le cinéaste, décédé il y trente ans le 25 décembre 1977, a choisi de s'installer en 1953 avec sa femme Oona et leurs huit enfants.

De la terrasse d'où on aperçoit pointer au loin le lac Léman et les Alpes, Yves Durand, muséologue canadien s'enthousiasme: «Nous disposons d'innombrables archives, les interviews, les films, des photos de famille, ses premiers contrats que nous mettrons en scène de manière dynamique».

Le coup d'envoi du site d'exposition a été lancé jeudi, avec la signature de la promesse de vente du manoir de Ban par la Fondation du musée Charlie Chaplin à des investisseurs luxembourgeois. La totalité du projet étant estimée à 35 millions de francs suisses (21 millions d'euros).

Devant la ferme attenante à la résidence, le muséologue passionné de Chaplin décrit de futures compositions virtuelles, des holographies, des sons et des images se superposant pour «créer un univers magique».

Une salle de spectacle de 200 places est prévue dans l'ancienne habitation du personnel. Dans d'autres pièces, Chaplin racontera les secrets de l'élaboration de ses films.

Philippe Meylan, promoteur et architecte du musée, ouvrant les hauts volets blancs de la maison de maître poursuit: «nous replacerons le mobilier comme lorsque la famille vivait ici.» Dans le salon, trône encore le piano où jouait la pianiste suisse Clara Haskil lorsqu'elle rendait visite aux Chaplin.

La visite prévue pour durer trois heures, permettra de pénétrer dans les pièces intimes de la maison Chaplin, comme celle du premier étage où le cinéaste est décédé.

Au coeur de la vaste cave voûtée, une «rue Hollywood» parsemée de réverbères recréera une ambiance années 20. Aujourd'hui, dans cet espace encore poussiéreux, on découvre sur le haut d'une étagère une boîte où est protégé un costume d'ange, vêtement imaginé par Chaplin pour l'une de ses filles.

Jusqu'à l'année dernière, la maison était encore habitée par les descendants de Chaplin.

«Je suis revenu y vivre il y a une quinzaine d'années à la mort de ma mère», raconte à l'AFP Michael, l'un des fils Chaplin qui s'est installé à Corsier avec cinq de ses sept enfants, à côté de son frère Eugène, lui-même père de cinq enfants.

«Régulièrement des gens sonnaient à la porte pour visiter les lieux, se rappelle Michael. Ils venaient de Chine, d'Amérique du sud, d'Afrique, c'était extraordinaire de voir la célébrité universelle de mon père».

«Ca nous a donné l'idée d'en faire un musée, on avait la sensation qu'on leur devait ça», poursuit-il.

Trois des huit enfants de Charlie Chaplin étaient alors propriétaires de la maison, Eugène, Victoria et Michael. Mais l'entretien des lieux était onéreux, et la tentation grande de vendre la propriété au plus offrant. «Michael Jackson était très intéressé, il est venu plusieurs fois», raconte Philippe Meylan.

En 2001, c'est finalement une fondation qui sera constituée, dans l'idée de créer un musée. Les communes environnantes apportent leur soutien financier sous forme de prêts. L'ancien maire de Corsier-sur-Vevey, Michel Henry, est d'ailleurs l'un des membres de la Fondation.

Les autorités cantonales suisses devraient avaliser la vente aux investisseurs luxembourgeois début 2008. L'ouverture du musée est prévue fin 2009.