Si le cinéma Parallèle acquiert une partie d'eXcentris pour 7,5 millions avec l'aide de Québec en planifiant son agrandissement à cinq salles, il le doit avant tout à la Ville de Montréal, «alliée de la dernière heure», qui contribue pour le tiers de la somme, et à la Sodec qui a travaillé sans relâche pour sauver l'organisme.

Le cinéma d'auteur peut se réjouir. Deux ans après que Daniel Langlois, âme bénie de l'eXcentris, ait fermé les portes de deux de ses salles au 7e art, on revient à la case départ avec, en bonus, le projet de construire deux nouvelles salles pour faire du Parallèle, un des phares du cinéma d'art et d'essai à Montréal, aux côtés du Beaubien et du cinéma du Parc.

Ce vendredi, on sentait que les deux ans de tergiversations entre acteurs du milieu, le mécène Langlois et les pouvoirs publics avaient finalement accouché d'une entente qui sauve la face d'une ville frustrée de se faire damer le pion par Toronto dans un domaine où elle est supposée dominer haut la main «from coast to coast», soit la culture.

La ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine (MCCC), Christine St-Pierre était donc aussi radieuse que le soleil d'un 8 avril montréalais quand elle a annoncé qu'on avait trouvé une issue heureuse au devenir du cinéma Parallèle.

La SODEC contribuera avec 4 millions en prêts: 2 millions tout de suite et 2 millions après l'accord subséquent du conseil des ministres.

La Fondation Daniel Langlois donne un million pour moderniser l'équipement des salles et la Ville de Montréal fournit la différence, soit 2,5 millions, en les puisant dans son fonds de 140 millions dédié aux infrastructures et alloué par Québec.

Le MCCC s'est, de plus, engagé à verser une contribution de 1,25 million sur cinq ans pour aider au fonctionnement du Parallèle. «Dans le milieu, il y avait beaucoup d'angoisse depuis deux ans mais on gère l'argent des contribuables et il fallait être minutieux», a dit la ministre St-Pierre, qui a remercié François Macerola, en charge de la SODEC, pour les efforts qu'il a accomplis pour mener ce projet à bon port.

Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, rarement présent lors des événements culturels de la métropole, était à la conférence de presse. L'aide de la Ville s'est dessinée à la suite d'un repas, durant la période des Fêtes de fin d'année, a appris La Presse.

«La part de la Ville, c'est ça qui rend le projet possible», nous a dit un des protagonistes du projet.

Daniel Langlois fait un énorme effort financier. Il a réduit substantiellement son prix de vente des salles au Parallèle. L'argent qu'il empoche est loin de la valeur réelle des lieux qu'il cède.

Dans les faits, le cinéma créé en 1967 devient copropriétaire de l'édifice, possédant désormais deux étages sur cinq et partageant des espaces.

«Le cinéma indépendant va pouvoir redémarrer dans des lieux de diffusion de qualité et je suis fier qu'il le fasse avec la transformation d'un organisme culturel en une véritable entreprise d'économie sociale», a déclaré le président du CA du cinéma Parallèle, Christian Yaccarini.

Cet été, des rénovations seront effectuées afin de permettre aux trois salles de rouvrir à l'automne. D'ici deux ou trois ans, deux autres salles de 50 à 70 places chacune seront construites sous une structure en dôme érigée dans l'espace jardin-amphithéâtre d'eXcentris contigü à la rue Clark.

Fondateur du Parallèle, le grand manitou du Festival du nouveau cinéma, Claude Chamberlan, est aux anges de voir son bébé sauvé des eaux. «Ces cinq salles de cinéma d'auteur, c'est un vieux rêve, dit-il. Comme ça existe à Paris...» Le boss de Culture Montréal, Simon Brault, a souligné combien la nouvelle est importante pour Montréal. «On arrête ainsi de dégringoler, car on se marginalisait. Montréal est une vraie ville de résilience. On est capable de rebondir», a-t-il lancé en rendant hommage, comme d'autres, au rôle-clé joué par Manuela Goya, directrice générale de Montréal, métropole culturelle.

Critiqué pour avoir fermé deux salles il y a deux ans, Daniel Langlois était content de voir le projet aboutir au bonheur de tous. «Le Parallèle n'était pas mature pour faire tout ça il y a deux ans, a-t-il lâché. On a tous appris à parler le même langage. Et le cinéma a maintenant une licence d'alcool ce qui lui permettra d'organiser de nouveaux événements.» Gordon Bernstein, le président de la Société de développement du boulevard Saint-Laurent, s'est réjoui aussi de cette annonce qui ne manquera pas de faire du bien à ce secteur commercial qui avait beaucoup souffert du changement de vocation de deux des trois salles d'eXcentris.