(Los Angeles) M-I-C-K-E-Y appartiendra bientôt à vous et à moi. Avec plusieurs astérisques, réserves et mises en garde, Mickey Mouse sous sa forme la plus ancienne sera le chef de file du groupe de personnages, de films et de livres qui tomberont dans le domaine public en 2024.

À un moment que de nombreux observateurs proches pensaient ne jamais voir arriver, au moins une version de la quintessence de la propriété intellectuelle et peut-être du personnage le plus emblématique de la culture pop américaine sera libérée des droits d’auteur de Disney lorsque son premier film, le court métrage de 1928 Steamboat Willie, mettant en scène Mickey et Minnie Mouse, sera disponible pour un usage public.

« C’est ça. C’est Mickey Mouse. C’est excitant parce que c’est un peu symbolique », a déclaré Jennifer Jenkins, qui est professeure de droit et directrice du Centre d’étude du domaine public de Duke, et qui rédige chaque année une chronique pour la Journée du domaine public, le 1er janvier.

« Je me sens un peu comme le tuyau sur le bateau à vapeur, comme si j’expulsais de la fumée. C’est très excitant », a-t-elle dit.

La loi américaine autorise la détention d’un droit d’auteur pendant 95 ans, le Congrès ayant élargi cette durée à plusieurs reprises au cours de la vie de Mickey.

« On l’appelle parfois par dérision la loi sur la protection de Mickey Mouse, a expliqué Mme Jenkins. C’est une simplification excessive, car ce n’est pas seulement Disney qui a fait pression pour l’extension de la durée. Il s’agissait de tout un groupe de détenteurs de droits d’auteur dont les œuvres allaient bientôt tomber dans le domaine public, et qui ont grandement bénéficié de ces 20 années de protection supplémentaire. »

« Depuis la première apparition de Mickey Mouse dans le court métrage Steamboat Willie en 1928, les gens associent le personnage aux histoires, aux expériences et aux produits authentiques de Disney, a déclaré un porte-parole de Disney à l’Associated Press. Cela ne changera pas lorsque les droits d’auteur du film Steamboat Willie expireront. »

Les artistes et créateurs actuels pourront utiliser Mickey, mais avec des limites importantes. Seul le capitaine de bateau de Steamboat Willie, plus espiègle, ressemblant à un rat et ne parlant pas, devient public.

« Les versions plus modernes de Mickey ne seront pas affectées par l’expiration des droits d’auteur de Steamboat Willie, et Mickey continuera à jouer un rôle de premier plan en tant qu’ambassadeur mondial de la Walt Disney Company dans nos récits, nos attractions dans les parcs à thème et nos produits dérivés », précise le communiqué de Disney.

Toutefois, toutes les caractéristiques ou tous les traits de personnalité d’un personnage ne sont pas nécessairement protégés par le droit d’auteur, et les tribunaux pourraient être occupés dans les années à venir à déterminer ce qui relève de la propriété de Disney et ce qui n’en relève pas.

« Nous continuerons, bien entendu, à protéger nos droits sur les versions plus modernes de Mickey Mouse et sur les autres œuvres qui restent soumises au droit d’auteur », a prévenu la société.

Disney détient toujours solidement et séparément une marque déposée sur Mickey en tant que mascotte de l’entreprise et identifiant de la marque, et la loi interdit d’utiliser le personnage de manière trompeuse pour faire croire aux consommateurs qu’un produit provient du créateur d’origine. Quiconque crée une société cinématographique ou un parc à thème ne sera pas libre de faire des oreilles de souris son logo.

La déclaration de Disney précise que la société « s’efforcera d’éviter toute confusion chez les consommateurs causée par des utilisations non autorisées de Mickey et de nos autres personnages emblématiques ».

Steamboat Willie, réalisé par Walt Disney et son partenaire Ub Iwerks et l’un des premiers dessins animés dont le son est synchronisé avec les images, est en fait le troisième dessin animé mettant en scène Mickey et Minnie réalisé par les deux hommes, mais le premier à être diffusé. Il met en scène un Mickey plus menaçant, capitaine d’un bateau et fabriquant des instruments de musique à partir d’autres animaux.

Dans ce dessin animé, et dans un extrait utilisé dans l’introduction des films d’animation Disney de ces dernières années, Mickey siffle l’air de 1910 Steamboat Bill. Cette chanson a inspiré le titre du film de Buster Keaton Steamboat Bill Jr., sorti quelques mois avant Steamboat Willie, qui à son tour a peut-être inspiré le titre du court métrage de Disney. Les droits d’auteur n’ont pas été renouvelés pour le film de Keaton et il est tombé dans le domaine public depuis 1956.

Un autre animal célèbre, Tigrou, rejoindra son ami Winnie l’Ourson dans le domaine public lorsque le livre dans lequel le tigre bondissant est apparu pour la première fois, The House at Pooh Corner, fêtera ses 96 ans. Winnie, qui est probablement le personnage antérieur le plus célèbre à être tombé dans le domaine public, a acquis ce statut il y a deux ans, lorsque le livre original d’A. A. Milne, Winnie the Pooh, est tombé dans le domaine public, ce qui a donné lieu à des utilisations vraiment inédites, notamment le film d’horreur de cette année, Winnie The Pooh : Blood and Honey.

Le jeune Mickey pourrait bénéficier du même traitement.

« Maintenant, c’est le public qui va fixer les conditions », a déclaré Cory Doctorow, auteur et militant qui plaide en faveur d’une plus grande propriété publique des œuvres.

La date du 1er janvier 2024 est depuis longtemps inscrite sur les calendriers des observateurs du domaine public, mais certains estiment qu’elle montre à quel point il faut du temps pour que les œuvres américaines deviennent publiques, et que de nombreuses propriétés ayant moins de pedigree que Winnie ou Minnie peuvent disparaître ou être oubliées en raison de leurs droits d’auteur obscurs.

« Le fait que certaines œuvres soient encore reconnaissables et durables après 95 ans est franchement remarquable, a estimé M. Doctorow. Et cela nous fait penser à tout ce que nous avons dû perdre et qui serait encore d’actualité. »

Le film Circus de Charlie Chaplin, le roman Orlando de Virginia Woolf et la pièce Long Day’s Journey into Night d’Eugene O’Neill font également partie du domaine public américain.

La durée actuelle des droits d’auteur, adoptée en 1998, a rapproché les États-Unis de l’Union européenne, et il est peu probable que le Congrès la prolonge aujourd’hui. Par ailleurs, des entreprises puissantes, telles qu’Amazon, qui publie beaucoup de fanafictions, et Google, avec son projet de livre, plaident parfois en faveur du domaine public.

« Il y a en fait plus de résistance aujourd’hui qu’il y a une vingtaine d’années, lorsque la loi Mickey Mouse a été adoptée », a déclaré Paul Heald, professeur à la faculté de droit de l’Université de l’Illinois, spécialisé dans le droit d’auteur et la législation internationale en matière de propriété intellectuelle.

Dans certains cas, les États-Unis vont bien au-delà de l’Europe et maintiennent le droit d’auteur sur des œuvres qui sont déjà publiques dans leur pays d’origine, même si des accords internationaux permettraient aux États-Unis d’adopter la durée plus courte d’autres pays pour les œuvres qui y sont produites.

Des livres de George Orwell, par exemple, dont La ferme des animaux (1947) et 1984 (1949), appartiennent désormais au domaine public dans son pays d’origine, le Royaume-Uni.

« Ces œuvres ne tomberont pas dans le domaine public aux États-Unis avant 25 ans », a rappelé M. Heald. Il ne coûterait littéralement rien au Congrès d’adopter une loi disant « nous adoptons maintenant la règle de la durée la plus courte », ce qui ferait tomber une tonne d’œuvres dans le domaine public ici.