En enquêtant sur les dons de sperme artisanaux effectués au Québec, les journalistes Marie-Christine Bergeron et Maxime Landry lèvent le voile sur une situation ahurissante : deux hommes très actifs sur les réseaux sociaux ont contribué à la naissance de plus de 225 bébés ces dernières années. Et ce n’est pas fini, laisse entendre leur série documentaire Père 100 enfants.

Les femmes seules ou en couple qui désirent avoir un enfant peuvent faire affaire avec des cliniques de fertilité qui ont pignon sur rue, mais un certain nombre d’entre elles optent pour une autre approche : elles font affaire avec des particuliers, dont plusieurs offrent leurs services sur les réseaux sociaux. Il suffit d’ailleurs de taper « don de sperme » dans l’onglet de recherche de Facebook pour trouver des pages où des hommes offrent leur semence gratuitement.

La journaliste et cheffe d’antenne Marie-Christine Bergeron connaissait l’existence de cette méthode de don dite « artisanale », mais n’en soupçonnait pas l’envergure. Avec son collègue Maxime Landry, aussi associé à la chaîne Noovo, elle a suivi une piste lancée par une mère qui a eu recours à ce genre de service et qui a été bernée par un donneur hyperactif aux intentions indéchiffrables.

Cet homme dont il est question dans la série qui prendra l’affiche vendredi sur la plateforme Crave propose, comme d’autres, un service « sans contact ». Il offre un échantillon de sperme et la femme pratique l’insémination elle-même, à son domicile.

IMAGE TIRÉE DE FACEBOOK

Il est très facile de trouver des groupes Facebook où il est question de don de sperme artisanal.

Ce « Monsieur X », comme il est appelé dans le documentaire, semble très « professionnel ». Dès la première rencontre avec la femme ou le couple de femmes, il montre son pedigree, offre des tests d’ovulation, des tests de grossesse et montre les contenants ou les seringues stériles qu’il utilise. Gratuitement. Plusieurs femmes ont fait appel à ses services et l’ont même recommandé à des connaissances.

Monsieur X dit vouloir rendre service et assure ses « clientes » qu’une fois qu’il aura « aidé » une dizaine de familles à avoir un ou plusieurs enfants, il cessera d’offrir sa semence. Or, en regardant des photos de bébés nés de cette pratique sur les forums spécialisés, plusieurs mamans ont la puce à l’oreille : ce petit nez rond, c’est curieusement le même que celui de leur rejeton…

Prétentions mensongères

À la faveur d’entrevues avec une dizaine de mères, qui ont parfois elles-mêmes mené leur propre enquête, les journalistes découvrent alors que Monsieur X leur ment et sème à tout vent.

Les cliniques spécialisées limitent la descendance de leurs donneurs scrupuleusement sélectionnés et les circonscrivent aussi géographiquement afin de limiter les risques de consanguinité. Monsieur X, contrairement à ce qu’il dit, ne respecte aucune règle : il a engendré à lui seul au moins 75 enfants, dont un important nombre dans la grande région de Montréal.

Il n’est d’ailleurs pas le seul : un autre homme, baptisé Monsieur Y, utilise le même modus operandi. Et il est encore plus actif : au moment de l’enquête, il avait déjà contribué à la naissance de plus de 150 enfants dans différentes régions du Québec, toutes à l’ouest de la capitale nationale. Plus de 225 enfants sont ainsi nés de seulement deux hommes qui semblent près l’un de l’autre.

IMAGE TIRÉE DE PÈRE 100 ENFANTS

Deux donneurs de sperme québécois ont engendré à eux seuls plus de 200 enfants, révèle le documentaire en trois épisodes Père 100 enfants. Courent-ils des risques de santé physique ou psychologique ?

Quelles sont les motivations de ces donneurs en série ? Ces centaines d’enfants possédant un bagage génétique proche courent-ils des risques ? Les mères flouées ont-elles des recours ? Père 100 enfants soulève une quantité de questions troublantes. La série met aussi au jour un autre risque couru par les femmes : trois d’entre elles décrivent des situations qui relèvent de l’agression sexuelle – du viol, dans un cas.

Père 100 enfants pèche parfois par excès dans sa façon de vouloir dramatiser le travail journalistique (la manière est proche de celle de l’émission J.E.), mais l’enquête semble minutieuse et met au jour une réalité méconnue. Elle montre aussi les risques de ce monde parallèle où les femmes se mettent parfois en danger physiquement et émotivement, faute de solution de rechange valable à leurs yeux.

Sur Crave, dès le 10 novembre