Tendre, goûteuse, nutritive et riche en fer, la viande de phoque pourrait occuper plus de place dans la cuisine québécoise, avance le documentaire Du phoque au menu. L’image négative qui colle à la chasse aux blanchons depuis les années 60 marque toutefois encore les esprits, constate le réalisateur et scénariste Guillaume Lévesque.

Presque 50 ans après la visite de Brigitte Bardot à Blanc-Sablon, au cours de laquelle l’actrice a accusé le Canada de génocide animalier, la chasse au phoque n’a toujours pas bonne presse. Les images de l’époque avaient en effet tout pour marquer : l’abattage des blanchons semblait cruel et le contraste entre leur fourrure blanche et le sang sur la neige était saisissant.

« Si j’avais eu 20 ans l’époque, peut-être que j’aurais été assis sur la banquise avec les animalistes, mais on n’en est plus là », assure Guillaume Lévesque, réalisateur et scénariste du documentaire Du phoque au menu, film nuancé qui plaide pour une exploitation responsable des populations de « loups-marins » du golfe du Saint-Laurent.

Guillaume Lévesque est originaire de la vallée de la Matapédia et a commencé à s’intéresser à la viande de phoque après avoir passé une journée avec le chef Kim Côté du restaurant Côté Est, à Kamouraska. Il a d’abord goûté à un burger de viande de phoque ironiquement baptisé le « Bardot Burger » et a ensuite été séduit par la longe de phoque.

Il a trouvé ça tendre, goûteux et pas trop « fort » comparativement à d’autres viandes sauvages. « Je me suis demandé : si c’est si bon, pourquoi on n’en mange pas plus ? », a-t-il raconté lors d’une présentation de presse tenue à l’ITHQ. Du phoque au menu apporte des réponses à cette question et défend l’idée de faire davantage de place à cette viande dans nos restaurants, voire à la maison.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Guillaume Lévesque

Une chasse « encadrée »

Guillaume Lévesque dit d’emblée n’avoir pas voulu aborder le sujet en partant de la chasse, plutôt d’un point de vue culinaire. Il rappelle les pratiques qui avaient cours il y a quelques décennies, mais cherche surtout à faire valoir que les choses ont changé.

IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE DU PHOQUE AU MENU

Les images de la chasse aux blanchons datant des années 1960 ont durablement imprégné les esprits.

« On n’en est plus là », insiste le réalisateur, faisant référence aux scènes de « massacres » de blanchons dont les carcasses étaient abandonnées sur la banquise une fois la peau prélevée.

La chasse aux bébés phoques est interdite et celle des spécimens adultes est « très encadrée ». « On a une obligation de faire mieux. Tant mieux », dit Gil Thériault, directeur de l’Association des chasseurs de phoques intra-Québec, dans le documentaire. Guillaume Lévesque le montre un peu en allant à la chasse avec un boucher madelinot, Réjean Vigneau*, qui s’est donné pour mission de faire connaître la viande de phoque : sa façon de procéder n’est pas différente de la chasse sportive au gibier.

IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE DU PHOQUE AU MENU

Le chef madelinot Hugo Lefrançois estime que les visiteurs ne devraient pas repartir des îles de la Madeleine sans avoir goûté à la viande de phoque, ici cuisinée en tataki.

Du phoque au menu ne débat pas de la pertinence de manger ou non de la viande, même si sa productrice elle-même se dit végétarienne. Son propos est plutôt de faire valoir qu’une « ressource » alimentaire intéressante existe dans l’est du Canada, qu’elle pourrait être développée et que sa sous-exploitation a aussi des effets néfastes sur l’environnement.

Les phoques seraient environ 10 millions dans l’est du pays, selon les estimations des spécialistes, et leur présence exerce une pression importante sur l’écosystème. Ces mammifères marins mangent en effet des quantités phénoménales de poisson et, selon eux, une chasse raisonnée n’aurait aucun impact notable sur leur présence dans nos eaux.

Du phoque au menu aborde la question sous l’angle du terroir et défend l’idée d’une exploitation responsable qui pourrait dépasser les produits de la table. Sa graisse – environ 65 % du poids de l’animal – peut être utilisée pour produire une huile riche en oméga-3 et sa fourrure peut évidemment faire des bottes et des mitaines qui tiennent bien au chaud. Sans être militant, le documentariste a choisi son camp et le défend. Contribuera-t-il à faire tanguer l’opinion publique ?

Samedi, 22 h 30, sur ICI Télé dans le cadre de l’émission Doc Humanité

* Aucun lien de parenté avec notre journaliste