(New York) La Bourse de New York a été sévèrement secouée mardi par des propos du président de la banque centrale américaine (Fed) suggérant que les taux de l’institution pourraient aller plus haut que prévu jusqu’à présent, ravivant les craintes d’une récession.  

Le Dow Jones a plongé de 1,72 %, le NASDAQ de 1,25 % et l’indice élargi S&P 500 de 1,53 %.  

Le patron de la Fed, Jerome Powell, a souligné que le principal taux directeur de la Fed, qui grimpe depuis un an pour juguler l’inflation, pourrait monter à un rythme plus important qu’anticipé et aller au-delà du niveau auquel les responsables de l’institution le voyaient jusqu’à présent s’arrêter, soit 5,1 %.  

Et les taux pourraient rester élevés « pendant un certain temps », a-t-il averti devant une commission du Sénat.

Les marchés tablent désormais majoritairement sur une hausse des taux, actuellement compris entre 4,50 % et 4,75 %, de 50 points de base lors de la prochaine réunion du Comité de politique monétaire de la Fed les 21 et 22 mars.

Or une Fed plus agressive sur les taux, qui renchérit le coût du crédit pour les ménages et les entreprises, augmente aussi le risque de récession, ce qui aurait un impact sur les bénéfices des entreprises.

Les indices de la Bourse de New York ont immédiatement piqué du nez.  

Suivant les anticipations sur les taux de la Fed, le taux d’intérêt des obligations d’État américains à 2 ans a bondi à son niveau le plus élevé depuis 2007, au-dessus du seuil des 5 %.  

Le taux à 10 ans s’est lui aussi tendu, repassant brièvement au-dessus du seuil des 4 %.  

Cela a accentué encore le phénomène dit d’inversion de la courbe des taux, qui signifie que les taux à court terme sont supérieurs à ceux à long terme, et qui est souvent considéré comme annonciateur d’une récession économique.

L’écart entre le taux américain à deux ans et celui à dix ans n’a plus été aussi élevé depuis 1981.

Maintien de la ligne officielle

Quincy Krosby, de LPL Financial, s’étonne un peu toutefois de la réaction des marchés.  

« Jerome Powell n’a fait que maintenir la ligne qu’il s’est fixée, à savoir que la Fed ferait ce qu’elle a à faire pour restaurer la stabilité des prix », a-t-elle souligné.  

« Il y a sans doute des moments où le marché tend à ne pas le croire ou à penser que le retour à la stabilité des prix se fera plus vite », a-t-elle avancé.  

Mais Jerome Powell « répète à l’envi que la politique de la Fed dépend des indicateurs » et les derniers chiffres sur l’inflation montrent bien que du travail reste à faire, a ajouté la spécialiste.

Avant la prochaine réunion de la Fed seront publiés deux autres rapports importants sur l’inflation ainsi que celui, très attendu, sur l’emploi en février.  

Dans ce contexte, les valeurs bancaires ont été particulièrement secouées : JPMorgan a perdu 2,93 %, Bank of America 3,20 %, Wells Fargo 4,68 % et Citi 2,11 %.

Parmi les autres valeurs du jour, la compagnie aérienne JetBlue a lâché 2,86 % après l’officialisation d’une plainte déposée par le ministère de la Justice pour bloquer le rachat de sa rivale Spirit (+4,71 %) au motif qu’un rapprochement conduirait à des prix plus élevés pour les passagers.  

Les autres grandes compagnies ont dans la foulée grimpé, American prenant 1,49 %, Delta 1,59 % et United 2,99 %.  

Le fabricant de pick-up électriques Rivian, qui peine à accélérer sa production, a chuté de 14,54 % après avoir fait part de son intention de proposer sur le marché pour 1,3 milliard de dollars d’obligations.

WW International, qui propose les régimes minceur Weight Watchers, s’est envolé de 79,07 % après avoir annoncé l’acquisition de la société Sequence, qui vend des consultations en ligne avec des spécialistes de la gestion du poids.  

À la Bourse de Toronto

La Bourse de Toronto a retraité de plus de 1 % mardi, plombée par les pertes des secteurs de l’énergie, des métaux et de la finance, pendant que les grands indices américains clôturaient en baisse eux aussi.

L’indice composé S&P/TSX du parquet torontois a perdu 239,26 points pour terminer la journée avec 20 275,54 points.

Le marché a vivement réagi aux commentaires du président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, faits à Washington dans le cadre d’un témoignage de deux jours devant un comité sénatorial, a observé Kevin Headland, stratège en chef des investissements chez Gestion de placements Manuvie.

M. Powell a indiqué que la banque centrale pourrait augmenter l’ampleur de ses hausses de taux et porter les taux au-delà des niveaux indiqués précédemment si les données continuaient de témoigner d’une économie forte.

Avec moins d’optimisme que les investisseurs ne l’espéraient peut-être, les marchés boursiers ont plongé aux côtés des matières premières.

« Il est intéressant de voir comment, une fois de plus, le marché s’attendait, je pense, à ce que la Réserve fédérale ne maintienne pas le même ton depuis l’année dernière, et ils se sont trompés à chaque fois », a souligné M. Headland.

« Ils continuent de dire qu’ils luttent contre l’inflation. »

Les marchés anticipaient déjà deux autres hausses de taux d’intérêt de la part de la Fed, mais commencent maintenant à prévoir des hausses plus importantes, a expliqué M. Headland. La décision de mars est de plus en plus attendue à 50 points de base, tandis qu’une troisième hausse pourrait également être à l’horizon.

Ce sentiment ne sera que renforcé si les données sur l’emploi, qui seront publiées vendredi, continuent de montrer un marché du travail exceptionnellement solide, a-t-il prévenu.

Le Canada recevra également vendredi ses nouvelles données sur le marché du travail, mais sa dernière décision sur les taux sera déjà passée. Les observateurs s’attendent à ce que la Banque du Canada maintienne son taux d’intérêt directeur lors de son annonce de mercredi.

La banque centrale du Canada doit marcher sur une ligne plus fine que la Fed, a estimé M. Headland, car l’économie et les consommateurs y sont tous deux plus sensibles aux taux d’intérêt.

Sur le marché des devises, le dollar canadien s’est négocié au cours moyen de 72,90 cents US, en baisse par rapport à celui de 73,45 cents US de lundi.

La faiblesse du huard de mardi était attribuable à la vigueur du dollar américain, ainsi qu’à la stagnation du cours du pétrole, a expliqué M. Headland.

Alors que la Réserve fédérale adopte une approche beaucoup plus ferme que celle de la Banque du Canada vis-à-vis des taux d’intérêt, « l’écart entre les rendements de deux ans s’est accentué, et c’est ce qui exerce une pression à la baisse sur le dollar canadien », a-t-il précisé.

À la Bourse des matières premières de New York, le cours du pétrole brut a cédé 2,88 $ US à 77,58 $ US le baril, pendant que celui du gaz naturel a grimpé de 12 cents US à 2,69 $ US le million de BTU.

Le prix de l’or a plongé de 34,60 $ US à 1820,00 $ US l’once et celui du cuivre s’est déprécié de 11 cents US à 3,98 $ US la livre.

La Presse Canadienne