Chaque samedi, un de nos journalistes répond, en compagnie d’experts, à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

Je sais que les fonds négociés en Bourse ne sont pas garantis, mais je me pose la question suivante : si l’émetteur d’un fonds négocié en Bourse faisait faillite… qu’arriverait-il à notre argent ?

Jacques Larose

On peut légitimement s’interroger, en effet. La réponse est cependant assez courte.

« Les actifs doivent être détenus chez un gardien des valeurs, donc ne seraient pas affectés en cas de faillite », assène succinctement Jean-Philippe Tarte, maître d’enseignement à HEC Montréal.

Rappelons qu’un fonds négocié en Bourse (FNB) est un fonds dont les titres sont négociés comme des actions sur la place boursière. Les plus connus, les FNB indiciels, reproduisent un indice de référence, par exemple un indice boursier, en détenant en proportion équivalente les titres qui composent cet indice.

« En fait, un peu comme pour les fonds communs, les actifs d’un FNB sont chez le dépositaire des valeurs, reprend notre expert. Si j’investis 1000 $ dans un FNB, ces 1000 $ vont dans un fonds dédié chez ce qu’on pourrait appeler un gardien de valeurs, dans un compte spécifique. Le gardien de valeurs doit par la loi être une entité indépendante. »

Les titres du FNB ne sont donc pas détenus par le gestionnaire ou l’émetteur du fonds.

Ces actifs appartiennent aux détenteurs des parts. Ce qui fait que si la compagnie fait faillite, ces actifs ne sont pas au bilan de la compagnie et ne sont pas impliqués dans la faillite.

Jean-Philippe Tarte, maître d’enseignement à HEC Montréal

Le principe vaut également pour les grandes sociétés de gestion d’actifs étrangères comme BlackRock.

« Les lois s’appliquent au Canada tel qu’elles doivent s’appliquer, insiste le maître d’enseignement. Ils doivent suivre les lois au niveau local. »

Le vrai risque : la fraude

Hormis une dégringolade boursière qui affecterait l’ensemble du portefeuille, le danger vient moins de la faillite que de la fraude, auquel cas les actifs sont carrément volés.

« Un détournement de fonds est toujours possible, formule notre expert. Peut-être avez-vous vu le film Norbourg ? Dans ce film, on voit par quel mécanisme ils ont réussi à déjouer l’agence gouvernementale de surveillance afin de détourner les actifs qui étaient justement censés être détenus dans des comptes dédiés. Mais depuis, les agences réglementaires ont considérablement resserré la réglementation et la surveillance, ce qui rend ce scénario maintenant beaucoup moins probable. »

L’exception des ETN

Si les FNB sont protégés en cas de faillite de l’émetteur, « on ne peut toutefois pas en dire autant pour les ETN » (Exchange Traded Notes), fait valoir Jean-Philippe Tarte.

Peu connus, les Exchange Traded Notes – terme qu’on pourrait traduire par « billets négociés en Bourse » – sont émis directement par le promoteur du titre, afin de réduire les intermédiaires et de suivre avec un minimum de décalage l’indice qu’ils calquent.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-Philippe Tarte, maître d’enseignement à HEC Montréal

« Là, on est exposé au risque de crédit. Parce qu’à la différence du FNB, le billet n’a pas de fonds chez le gardien de valeurs. Les fonds vont directement au promoteur en échange du versement des rendements correspondant à l’indice, ce qui équivaut essentiellement à un titre de dette. Les détenteurs de ces titres deviennent des créanciers en cas de faillite de l’émetteur. »

Ces produits sont davantage présents aux États-Unis, explique-t-il, où ils offrent aux investisseurs des outils de gestion des risques spécifiques à coût et à complexité réduits pour l’émetteur.

Ils sont cependant rarissimes au Canada. Quelques-uns ont été offerts sur les marchés boursiers canadiens, mais la plupart ont été retirés au milieu des années 2010.

À ce propos, Jean-Philippe Tarte rappelle que si les investisseurs désirent échanger en devises américaines des FNB, des billets négociés en Bourse ou tout autre titre, « il est important de le faire dans un compte enregistré dans cette devise afin de ne pas subir les frais de change cachés à chaque transaction, ainsi que sur les versements de dividendes ou distributions de parts ».

Consultez la section « Démystifier l’économie »