Chaque samedi, un de nos journalistes répond, en compagnie d’experts, à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

Je ne comprends toujours pas le short selling des actions. Acheter une action en misant sur sa baisse et faire un profit ? Comment est-ce possible ?

André G.

Non, « short selling » ne se traduit pas par « courte vente ».

« En français, on appelle ça une vente à découvert », explique François Lacasse, gestionnaire principal de patrimoine et gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Gestion de patrimoine. « Ça consiste à vendre des actions que l’on ne détient pas. »

D’une certaine façon, ces actions ont été « empruntées » à une firme de courtage.

« La personne ne détient pas les actions, mais elle les doit à la firme de courtage, dit-il. Elle devra les racheter pour se recouvrir. C’est une forme de dette envers la firme de courtage et ce type de transaction doit se faire à l’intérieur d’un compte marge. »

À titre de mise de fonds, l’investisseur doit fournir entre 30 % et 100 % de la valeur des actions vendues à découvert, ajoute le gestionnaire.

Par la suite, l’audacieux investisseur cherchera à rembourser sa dette en rachetant le même nombre d’actions sur le marché pour les rendre au courtier.

Et voici où réside le mystère.

L’investisseur prévoit que le prix de l’action aura baissé entre-temps, ce qui lui permettra de les racheter à un prix inférieur à celui auquel il les a empruntées et vendues. La différence constitue son bénéfice, qu’il espère juteux.

Entre-temps, les actions sont débitées sur son compte de courtage, qui se trouve ainsi à découvert, d’où l’expression « vente à découvert ». « On paie des intérêts, indique le gestionnaire. C’est comme si on empruntait les actions à la firme de courtage. »

François Lacasse donne l’exemple de 100 actions de Microsoft vendues à découvert au prix de 250 $ par action.

Le but de cette transaction est l’inverse de celui d’une transaction normale, où on voudrait les revendre à profit. Dans ce cas-ci, on veut les racheter à un prix plus bas pour ainsi empocher la différence. Si on vend l’action à 250 $ et qu’on la rachète plus tard à 200 $, on a fait un profit de 50 $ par action.

François Lacasse, gestionnaire principal de patrimoine chez Desjardins Gestion de patrimoine

« C’est la façon dont les gens misent : vendre des actions pour les racheter plus tard moins cher. »

Miser est le bon mot : la manœuvre est périlleuse.

« Le danger de cette transaction, c’est que la perte peut être illimitée », prévient-il.

Dans le cas d’une transaction boursière normale, le pire scénario est celui où l’action acquise ne vaut plus rien.

« Si vous avez investi 20 000 $, vous perdez 20 000 $. Mais la transaction à découvert est plus risquée. »

Reprenons son exemple.

Vous investissez 25 000 $ en vendant à découvert 100 actions de Microsoft à 250 $. Votre compte est crédité de 25 000 $, mais vous devrez rendre un jour les 100 actions empruntées à la firme de courtage.

Si vous rachetez 100 actions au moment où elles valent 200 $ pour les remettre à la firme, vous déboursez 20 000 $ et empochez ainsi un profit de 5000 $ — moins les intérêts et commissions payés sur votre compte sur marge.

Si par malheur le prix de l’action a doublé pour passer à 500 $ et que le courtier, inquiet, exige que vous lui rendiez ses 100 actions, vous devrez payer 50 000 $ pour les acquérir et les lui céder.

« Vous perdez toute votre mise de départ, parce que l’action a monté autant que la valeur initiale, décrit François Lacasse. Et si elle devait tripler, vous devez de l’argent que vous n’aviez pas investi initialement. »

Et comme le prix de l’action peut en théorie monter sans fin, la perte pourrait en principe ne pas connaître de limite.

« Il y a un plancher, quand on achète des actions, mais quand on les vend, il n’y a pas de plafond auquel un titre peut monter », assène le gestionnaire.

« Il faut comprendre que c’est une stratégie qui est spéculative. »