(Londres) Les prix du pétrole poursuivaient leur hausse lundi, gagnant brièvement plus de 4 % après la décision de l’OPEP+ de revoir légèrement à la baisse ses objectifs de production de brut pour octobre.

L’OPEP+ a pris la décision lundi de réduire sa production dans le but de soutenir les prix face aux craintes de récession, une première depuis plus d’un an et les coupes drastiques opérées en raison de la pandémie de COVID-19.

Les représentants des treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), conduits par l’Arabie saoudite, et leurs dix alliés emmenés par la Russie, ont convenu de « revenir aux quotas du mois d’août », soit une baisse de 100 000 barils par rapport à septembre, a annoncé dans un communiqué l’alliance basée à Vienne.

Le groupe, qui se réunissait par visioconférence, laisse la porte ouverte à de nouvelles discussions avant la prochaine rencontre du 5 octobre, « pour répondre si nécessaire aux développements du marché ».

Au fil de ses rendez-vous mensuels, l’OPEP+ résiste aux appels des Occidentaux pour ouvrir plus largement ses vannes.

S’élevant à mots couverts contre la réduction annoncée, les États-Unis ont réagi en réclamant lundi un équilibre entre l’offre et la demande d’énergie.

Le président américain Joe Biden « a été clair sur le fait que l’offre d’énergie doit correspondre à la demande pour soutenir la croissance économique et réduire les prix pour les consommateurs américains et à travers le monde », selon un communiqué de la Maison-Blanche.

« Cette baisse symbolique n’est pas une réelle surprise après les murmures de ces dernières semaines », a réagi dans une note Caroline Bain, analyste de Capital Economics.

Le ministre saoudien de l’Énergie, Abdelaziz ben Salmane, avait semblé ouvrir la porte, il y a une dizaine de jours, à l’hypothèse d’une coupe, dénonçant un marché « tombé dans un cercle vicieux de faible liquidité et de volatilité extrême ».

Affectés par de sombres perspectives économiques mondiales, les cours des deux références mondiales du brut ont glissé ces dernières semaines loin de leurs sommets de mars, à près de 140 dollars le baril.

Vers 19 h 20 GMT, le cours du baril de Brent de la mer du Nord reculait de 0,53 %, à 95,23 dollars, et le WTI, référence pour le marché nord-américain gagnait 2,3 %, à 88,87 dollars

« Banque centrale du pétrole »

« Cette décision montre que nous sommes prêts à utiliser tous les outils à notre disposition », a commenté le ministre saoudien, dans une entrevue à l’agence financière Bloomberg. « Nous serons attentifs et dynamiques pour soutenir la stabilité et l’efficacité du marché ».

L’alliance « signifie ainsi qu’elle agira pour soutenir les cours s’ils devaient s’effondrer », par exemple en cas de retour du pétrole iranien, explique Matthew Holland, analyste géopolitique pour l’institut de recherche Energy Aspects.

Pour le président américain Joe Biden, qui s’était rendu pour la première fois en tant que président des États-Unis en Arabie saoudite mi-juillet pour tenter d’influer sur la stratégie de Riyad, c’est « un coup dur », estime Craig Erlam, analyste de la plate-forme d’échanges OANDA.

Pour lui, le « dommage politique » causé par cette visite controversée est « un pur gaspillage » avec un résultat « pire » qu’avant cette initiative.

« L’Arabie saoudite et l’OPEP “sont la Banque centrale du pétrole” », ironise Bjarne Schieldrop, analyste de la banque suédoise SEB. « Et mieux vaut ne jamais essayer de les combattre ».

Moscou, pilier du groupe avec Riyad, a pour sa part évoqué « de nombreuses incertitudes » liées notamment à « la déclaration des dirigeants du G7 concernant le plafonnement du prix du pétrole russe », selon les propos du vice-premier ministre chargé des questions énergétiques, Alexandre Novak.

Question de « crédibilité »

Autre élément entrant en ligne de compte, l’incapacité régulière de l’OPEP+ à remplir ses quotas.

« La production actuelle et les quotas sont désormais déconnectés, il s’agit donc d’une question de crédibilité », souligne M. Schieldrop. Elle est estimée à près de 3 millions de barils par jour en deçà des objectifs affichés.

Au printemps 2020, le cartel avait procédé à des coupes radicales devant l’effondrement de la demande provoqué par la pandémie. Un an plus tard, il a commencé à rouvrir les vannes mais à grand-peine.

Crises politiques à rallonge, ou manque d’investissements et d’entretien pendant la pandémie handicapant désormais les infrastructures pétrolières : de nombreux pays du groupe comme l’Angola ou le Nigeria ne peuvent pomper davantage.

Seuls l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis semblent disposer de capacités de production inutilisées.

Or l’analyste note que Riyad écoule actuellement près de 11 millions de barils de pétrole par jour, un niveau qu’elle n’avait atteint que deux fois dans son histoire, et seulement temporairement.

« Le niveau actuel est bien supérieur à son niveau de confort », souligne M. Schieldrop.

Des négociations qui se prolongent

Dans un même temps, le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, s’est dit lundi « moins confiant » sur une conclusion rapide des négociations pour sauver l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, dont il est le coordinateur.

Les espoirs de renaissance de l’accord, et avec eux la levée d’une partie des sanctions contre Téhéran entraînant le retour du pétrole iranien sur le marché, avaient été ravivés la semaine dernière, avant d’être douchés par les États-Unis.

Sur le marché du gaz naturel, les prix explosaient lundi, après l’annonce de l’arrêt complet du gazoduc Nord Stream 1, qui devait reprendre du service samedi après une maintenance.  

Le contrat à terme du TTF néerlandais, référence du marché européen évoluait à 242 euros le mégawattheure (MWh), s’envolant de près de 13 %, la flambée du prix compensant en une séance une partie du plongeon de la semaine précédente.

Nord Stream 1 sera finalement « complètement » arrêté jusqu’à la réparation d’une turbine de ce pipeline vital pour l’approvisionnement des Européens, a annoncé Gazprom, invoquant la découverte de « fuites d’huile » dans la turbine lors de l’opération de maintenance.

Pas de quoi justifier, d’un point de vue technique, l’arrêt du gazoduc, selon le fabricant de turbines Siemens Energy.

Avec cette nouvelle fermeture, « la crise énergétique européenne est entrée dans une nouvelle phase critique », alerte Susannah Streeter, analyste chez Hargreaves Lansdown. « Ce sont les craintes du pire scénario auquel les dirigeants européens s’étaient préparés. »

Pour Pierre Veyret, analyste chez ActivTrades, cette nouvelle interruption des livraisons russes via Nord Stream 1 intervient « en guise de représailles » contre le plafonnement des prix d’achat du pétrole russe décidé vendredi par les dirigeants des nations du G7.

Le Kremlin a assuré lundi que l’arrêt des livraisons était de la seule faute des Occidentaux, car leurs sanctions empêchent la maintenance des infrastructures gazières.