La Bourse est moins attrayante et la Caisse de dépôt et placement dit s’attendre à une hausse prochaine de la volatilité sur les marchés après avoir dégagé un rendement de 5,6 % durant les six premiers mois de l’année.

Ce rendement — qui tient compte d’actions, d’entreprises de titres à revenus fixes et d’actifs réels (immobilier et infrastructures) — surpasse celui de son indice de référence par 1,2 %. À lui seul, par ailleurs, le portefeuille boursier a généré un rendement de 11,4 %.

La performance obtenue avec les actions canadiennes a fortement contribué. Le grand patron de la Caisse, Charles Emond, souligne que le rendement boursier des actions canadiennes au premier semestre a été similaire, voire légèrement meilleur que celui de 18 % généré par le principal indice de la Bourse de Toronto.

« C’est très bon », juge Vincent Delisle, chef des marchés liquides à la Caisse de dépôt et placement du Québec, à propos du rendement dégagé sur le marché boursier.

« On ajoute de la valeur dans un marché haussier qui a connu un leadership très cyclique avec des actifs plus risqués qui ont dominé durant les six premiers mois de l’année », précise-t-il.

« C’est un résultat qui s’appuie sur une bonne sélection de titres et un positionnement post-cyclique du portefeuille. En février, on avait dit qu’on prenait acte de ce qu’il fallait faire pour faire évoluer notre approche. Et c’est ce qu’on a fait. On a notamment effectué des changements en portefeuille pour se donner plus de chances de performer dans différents environnements de marché », dit Vincent Delisle.

« Notre portefeuille boursier était positionné pour un scénario de sortie de récession et de reprise économique au premier semestre pour avoir une meilleure exposition aux secteurs cycliques », dit-il.

Retour vers des titres défensifs

Depuis le mois de juin, le positionnement est dorénavant plus équilibré. « On entre dans une phase où on pourrait voir dans les prochains mois une performance supérieure des titres défensifs de qualité et des titres de croissance de qualité. On entre dans la phase du cycle où les secteurs plus traditionnels et moins volatils comme la consommation de base et certains secteurs de la technologie peuvent bien faire. On s’attend à un contexte plus volatil dans les prochains mois alors que la vélocité de la reprise économique va ralentir et que les banques centrales vont préparer la normalisation de leurs politiques monétaires », explique le stratège.

La croissance des profits est le principal contributeur à la performance des indices boursiers cette année. C’est un contexte tout à fait différent de ce qu’on avait vu en 2019 et 2020 alors que les indices boursiers étaient propulsés exclusivement par l’expansion des multiples d’évaluation. Comme investisseur axé sur les fondamentaux des entreprises, c’est le genre d’environnement qui nous favorise.

Vincent Delisle, chef des marchés liquides à la Caisse de dépôt et placement du Québec

Vincent Delisle prévient que si les taux d’intérêt devaient augmenter parce que l’inflation devenait intolérable, il faudra s’attendre à un impact autant sur les profits que sur les multiples. « Lorsqu’on regarde 12 à 24 mois devant nous, on constate un environnement risque/rendement moins attrayant qu’il y a 12 mois. »

PHOTO DAMIEN MEYER, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La Caisse a plus que doublé son exposition aux GAFAM, qui passe de 3 % à 7 % dans son portefeuille.

Valorisations élevées

Appelé à commenter les valorisations élevées observées en particulier dans le secteur des technologies, Charles Emond a parlé de « dosage ».

« L’écart entre la croissance du PIB nominal et les taux 10 ans n’a jamais été aussi grand depuis 1950. Ça pousse les investisseurs vers les marchés boursiers pour avoir du rendement. »

Les valorisations sont élevées, mais pas plus élevées que ce qu’on avait au début des années 2000, ajoute-t-il. « Il faut comprendre que la technologie a évolué depuis ce temps-là. Les GAFAM [Google/Alphabet, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft] sont des entreprises très profitables. Par leur niveau de pénétration de marché, elles sont pratiquement devenues des entreprises de services publics [utilities en anglais] et elles sont là pour rester. La pandémie a renforcé encore davantage leur positionnement. »

À son arrivée à la Caisse l’année dernière, il dit avoir constaté que le portefeuille n’était « pas suffisamment exposé » aux GAFAM. « Nous n’en avions pratiquement pas. Ça m’apparaissait une aberration. D’un autre côté, j’ai toujours dit qu’on ne courrait pas après les GAFAM. »

La Caisse a néanmoins doublé son exposition à ces entreprises. « On était à 3 % dans notre portefeuille et nous sommes aujourd’hui à 7 % », dit Charles Emond.

« À un moment donné, ces entreprises représentaient près du quart du S&P 500 comparativement à environ 10 % présentement. J’ai dit à mes équipes de ne pas toujours se coller [au poids relatif] afin de rester prudent d’un point de vue d’évaluation, mais qu’il est dangereux d’ignorer complètement l’importance de ces sociétés dans le marché. »

Charles Emond rappelle qu’une nouvelle économie émerge et qu’il faut en prendre conscience. C’est une question de dosage, « un équilibre à atteindre », dit-il.

Ce que Charles Emond dit sur…

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L’effet de change

« La performance [des infrastructures] aurait été plus élevée si on prend en considération que le dollar canadien dans les six premiers mois s’est apprécié contre toutes les devises, ce qui est assez rare. On aurait pu facilement avoir un rendement de 2 à 3 points de pourcentage plus élevé, n’eût été l’appréciation du dollar canadien. »

Les aéroports

« Nous avons à peu près 4 milliards dans les aéroports. On a pris [des baisses] de valeur en pleine pandémie pour refléter que même quand il y aura réouverture, le retour au même niveau d’achalandage va prendre quelques années. […] Je préfère maintenant investir dans un réseau souterrain de fibre optique plutôt que d’acheter un aéroport, qui peut devenir un actif “sensible” pour toutes sortes de raisons. [Le gouvernement de Hongrie veut exproprier la Caisse, propriétaire de l’aéroport de Budapest.] »

La reprise dans les voyages

« Le transport des personnes va rebondir plus rapidement, car on a tous hâte de voyager. Le voyage d’affaires, structurellement, va changer dans sa composition. Les voyages d’affaires seront de plus longue durée et moins fréquents. »

La cybersécurité

« Les évènements de cybersécurité sont de plus en plus nombreux. Ce sont des questions qui interpellent le plus les conseils d’administration actuellement. Colonial Pipeline [victime d’une attaque au rançongiel qui a entraîné la fermeture d’un pipeline essentiel aux États-Unis pendant 5 jours], c’est un évènement majeur. La compagnie a répondu très vite pour rétablir les opérations. C’est grâce à cette vigie qu’on impose aux sociétés de s’assurer qu’elles sont prêtes en cas d’attaques qu’on a pu se sortir rapidement d’une situation comme ça. »

L’esthétisme du REM dans l’Ouest-de-l’Île

« Je suis comme vous. Je le vois. Il faut quand même qu’il y ait une structure pour supporter ce train. Si vous regardez le SkyTrain, à Vancouver, c’est la même chose. Une fois que le projet est complété, que le train roule et que ça s’intègre dans un ensemble, je pense qu’on va arriver avec un visuel sur le bord de l’autoroute qui est responsable et qui est acceptable. »