(New York) Les cours du pétrole ont grimpé jeudi, à New York en particulier, l’escalade des tensions entre l’Iran et les États-Unis éclipsant l’assèchement de la demande lié au coronavirus et la saturation des installations de stockage.

Le baril de WTI coté aux États-Unis pour livraison en juin s’est envolé d’environ 20 % pour clôturer à 16,50 dollars après plusieurs jours agités. Lundi, le baril pour livraison en mai avait notamment fini sous zéro dollar pour la première fois de son histoire.

Mais le baril américain avait déjà commencé à rebondir vivement mercredi après un tweet du président Donald Trump affirmant avoir donné ordre de « détruire » toute embarcation iranienne qui s’approcherait de façon dangereuse de navires américains dans le Golfe.

À Londres le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin a gagné 4,7 % par rapport à la clôture de la veille, pour finir à 21,33 dollars.  

Les cours ont poursuivi sur leur lancée jeudi alors que le chef des Gardiens de la Révolution, armée idéologique de la République islamique d’Iran, a alimenté la guerre des mots avec Washington en promettant une « réponse décisive » aux États-Unis si les menaces du locataire de la Maison-Blanche étaient mises à exécution.

L’Iran avait par ailleurs annoncé mercredi le lancement d’un premier satellite militaire, aussitôt dénoncé par les États-Unis qui accusent Téhéran de développer des programmes de tirs de « missiles » masqués.

Une « stratégie » de Trump ?

Le Golfe est une artère majeure pour l’exportation du brut vers les marchés mondiaux, et tout regain de tension a immanquablement un impact haussier sur le marché de l’or noir.

Pour soutenir les cours, une des options consiste par conséquent « à alimenter les tensions géopolitiques au Moyen-Orient, ce qui fait craindre pour l’approvisionnement en brut », a estimé Ipek Ozkardeskaya, de Swissquote Bank.

« C’est ce que fait Donald Trump en ce moment », a-t-elle ajouté.  

Les investisseurs analysent ce tweet « comme une menace sur la production et les exportations » de cette région du globe riche en pétrole, confirme Bjornar Tonhaugen, de Rystad Energy.  

« Il est très probable que le tweet s’inscrive dans la stratégie » de l’administration américaine « pour influencer les prix du pétrole », ont aussi estimé dans une note les analystes de Phillip Futures, rappelant que les producteurs américains de schiste de pétrole sont durement affectés par la chute des cours.

Perspectives moroses

Malgré ces poussées de fièvre, les cours de l’or noir n’en demeurent pas moins à leurs niveaux les plus bas depuis des années, la demande de pétrole ayant été décimée par le plongeon de l’activité économique dû au confinement et restrictions de déplacements pour combattre la pandémie de COVID-19.

Les analystes de Rystad Energy ont d’ailleurs actualisé jeudi leurs prévisions de la demande annuelle en pétrole et prévoient dorénavant une baisse de 10,4 % pour 2020.  

Ils ajoutent que les mois d’avril et mai seront les plus touchés, avec des baisses respectives de 26,7 % et 19,5 %, des creux largement supérieurs aux coupes actées pour le moment par les principaux pays producteurs de brut.

Un autre problème de taille inquiète le marché, celui de la constitution de stocks très importants de pétrole brut.

À titre d’illustration, le rapport hebdomadaire de l’Agence américaine d’information sur l’Énergie (EIA) a fait état mercredi d’une hausse de 15 millions de barils des réserves américaines de brut en une seule semaine, les raffineries ayant drastiquement réduit leur activité.

À Cushing dans l’Oklahoma en particulier, où sont stockés les barils servant de référence au WTI, les réserves approchent de leur maximum.

Les réserves américaines d’essence et de produits raffinés ont aussi augmenté, tandis que la consommation hebdomadaire a dégringolé de plus de 25 % sur un an au moment où la population est confinée.