Le 9 mars 2009, la Bourse de New York tombait à son plus bas niveau de la crise financière. Malgré quelques frayeurs passagères, Wall Street a depuis battu un record de longévité sans dépression majeure.

L'indice qui regroupe les 500 plus grandes sociétés cotées aux États-Unis et est le plus surveillé par les investisseurs, le S&P 500, a alors clôturé à 676,53 points.  

« Ça faisait des mois que le marché dégringolait et rien ne semblait l'arrêter », se remémore Art Hogan, stratège en chef chez National Holdings.

Le S&P 500 aura au total chuté de 57 % en 17 mois.

« On a eu un premier vrai rebond en octobre 2008. Les sociétés étaient alors valorisées à un niveau ridiculement bas », rappelle-t-il.

« Mais personne ne voulait vraiment sauter le pas, car tous les jours on entendait des mauvaises nouvelles. La faillite de Bear Stearns, le rachat de Merryll Lynch, le sauvetage d'AIG, de Ford, de GM. Des politiques monétaires dont on n'avait jamais entendu parler. C'était juste incroyable. On mourait à petit feu. »

Illustration de cet enfer boursier, le S&P 500 s'est enfoncé, en cours de séance le 6 mars, jusqu'à 666 points.

Sur le moment, difficile de prédire que les marchés ont alors touché le fond.  

« On craignait toujours de retomber, on a commencé à vraiment reprendre notre souffle deux ans plus tard peut-être », estime M. Hogan.  

Après s'être déjà brûlé les ailes avec la bulle internet en 2000, « certaines personnes ne sont jamais revenues sur le marché des actions », affirme-t-il. Dommage, selon lui, « car le S&P 500 est passé de 700 à 2700 points. »

17 500 milliards de dollars

En dix ans, l'indice a au total gagné 17 500 milliards de dollars, selon les calculs d'Howard Silverblatt, analyste pour la société S&P Dow Jones Indices. Sans compter les 3300 milliards de dollars de dividendes versés par les sociétés du S&P 500 et leurs généreux programmes de rachat d'actions.

Cela correspond à un rendement moyen de 17,68 % par an.

Et l'indice S&P 500 n'a, depuis mars 2009, jamais baissé de plus de 20 %.

Mais cette apparente euphorie boursière n'a pas été sans heurts.  

« Il a fallu quatre ans avant de revenir aux niveaux d'avant la crise », relève Sam Stovall, responsable de la stratégie d'investissement pour CFRA.

Plusieurs fois, « on est passés tout près d'une nouvelle déprime du marché », souligne-t-il : pendant la crise de la dette en Europe en avril-juin 2010 puis en juillet-août 2011, aggravée alors par la dégradation de la dette des États-Unis par les agences de notation ; à l'été 2015 puis en janvier 2016 face à la chute des cours du pétrole et aux inquiétudes sur la Chine ; et plus récemment fin 2018.  

Wall Street a jusqu'à présent résisté aux soubresauts de l'économie mondiale.  

Économie de partage

Tout n'est pas rose pour autant.  

Si la Bourse de New York a su tirer son épingle du jeu, les indices MSCI représentant les Bourses des pays développés hors États-Unis et des pays émergents n'ont toujours pas retrouvé leur niveau d'avant la crise, remarque Nicholas Colas du cabinet de recherche Data Trek.

Et même aux États-Unis, si le rendement du S&P 500 depuis mars 2009 semble élevé, son taux de croissance annuel moyen depuis 1999 est de 5,5 %, souligne-t-il.

Face à des bénéfices aussi faiblards sur 20 ans, les investisseurs « se tournent naturellement vers des produits bon marché comme les fonds indiciels et les robots-conseillers, et s'engagent sur d'autres classes d'actifs comme l'investissement dans des entreprises non cotées ou des start-up », estime M. Colas.

Autre conséquence de la crise : l'envol du secteur des nouvelles technologies.

Apple, Microsoft et Amazon sont d'une part devenus les seigneurs de la Bourse, se disputant régulièrement la place d'entreprise privée la plus riche au monde.  

Surtout, la crise et ses conséquences sur le pouvoir d'achat ont largement participé à l'émergence de l'économie de partage et sa cohorte de start-up comme Uber ou Airbnb, à la promesse de services bon marché comme la plateforme de vidéos en ligne de Netflix, voire même au bitcoin, apparu en janvier 2009.  

Pour M. Colas, « les contraintes économiques font foisonner les nouvelles idées basées sur la technologie ».