L'effondrement anticipé des principales places boursières nord-américaines au lendemain d'une victoire de Donald Trump ne s'est pas concrétisé, malgré quelques secousses ciblées. Les investisseurs peuvent croire qu'ils viennent d'entrer dans une période de volatilité prolongée.

« On ne sait pas à quel point Trump entend faire ce qu'il a dit, souligne le gestionnaire de portefeuille Philippe Le Blanc, de la firme Cote 100. Ça crée énormément d'incertitude. Ce n'est jamais bienvenu et ça risque de générer beaucoup de volatilité dans les prochains mois. »

Même son de cloche à la Caisse de dépôt et placement du Québec. « Les résultats des élections américaines augmentent le niveau d'incertitude dans l'économie mondiale, a fait savoir l'institution dans un communiqué. Jusqu'à ce que les orientations économiques de l'administration Trump se dessinent plus clairement, il faut s'attendre à plus de volatilité. »

« Les prochains jours seront volatiles, mais le stade de la panique pourrait déjà être chose du passé », analyse Vincent Delisle, stratège boursier de la Banque Scotia.

Un Trump dilué ?

Selon le gestionnaire de portefeuille montréalais Stephen Takacsy, de Gestion d'actifs Lester, le discours de victoire plus conciliant prononcé par Donald Trump est notamment responsable du calme relatif observé sur le marché boursier.

Philippe Le Blanc sent que nous n'avons déjà plus affaire au même Trump que la veille. « Il est déjà plus modéré. Il a remercié Hillary Clinton. Il ne parlait plus de prison. Il essaie de rallier les citoyens américains et c'est pourquoi le marché a mieux réagi que prévu. »

Car si Brexit veut dire Brexit, Trump pourrait ne pas vouloir dire Trump à 100 %, dit Vincent Delisle. « C'est une version diluée de son programme qui risque ultimement d'être implantée. »

Stephen Takacsy prévient toutefois que Trump demeure imprévisible.

« Le marché ne sait pas trop quoi faire avec lui. C'est à suivre. Il faudra voir ses véritables positions, qui fera partie de son équipe et s'il y aura des batailles internes dans son parti. L'impact se mesurera au cas par cas, industrie par industrie. »

Déjà des gagnants

Certains titres américains profitent déjà de l'arrivée de Trump.

« Il y avait des craintes de voir Clinton s'attaquer aux pharmaceutiques », dit Philippe Le Blanc. Les actions de distributeurs américains comme Cardinal Health (+ 6 %) et McKesson (+ 9 %) ont bondi. Les distributeurs américains de produits industriels ont aussi fait bonne figure. Fastenal a pris 7 % et W.W. Grainger a avancé de 5 %.

Les actions des exploitants de prisons privées ont fait un pas de géant dans l'espoir que Trump revienne sur la décision de Barack Obama d'en réduire l'usage. L'action de Corrections Corporation of America a pris 43 %, alors que celle de GEO Group a gagné 21 %.

Le secteur financier (banques et assureurs), qui pourrait profiter d'allègements réglementaires et de modifications à l'Obamacare, a aussi bien réagi. MetLife a pris 7 %, Bank of America 6 %, Wells Fargo 5 %, et JPMorgan 5 %.

Le vote de Wall Street

« Wall Street a voté [hier] et la distinction est claire entre les secteurs gagnants et les perdants », dit Vincent Delisle.

« C'est le résultat d'une diminution de l'incertitude, car qu'on aime ou non Donald Trump, les marchés savent au moins maintenant qui est le président, et c'est aussi le résultat d'un déplacement vers des positions moins défensives. Mais je ne suis pas naïf. Je ne m'attends pas à ce que les feux d'artifice se poursuivent indéfiniment », conclut-il.