Les produits dérivés qui ont exacerbé la bulle du crédit en 2007 sont maintenant repensés pour une nouvelle génération.

JPMorgan Chase offre un swap arrimé à un indice de référence pour les prêts de catégorie spéculative. Ainsi, il est plus facile pour les investisseurs de parier sur les créances. Goldman Sachs prévoit mettre sur le marché 10 milliards d'euros (13,4 milliards de dollars US) en véhicules d'investissement structurés qui regroupent les créances pour en faire des titres de premier ordre. De son côté, la semaine dernière, ProShares a commencé à offrir des fonds négociés en Bourse adossés à des swaps sur défaillance de dettes de sociétés.

Wall Street commence à renouer avec l'innovation financière qui a permis de prolonger la reprise il y a sept ans, avant d'aggraver la pire crise financière depuis la grande dépression, en 2008-2009.

Ces instruments refont surface pour répondre aux besoins des investisseurs qui cherchent de nouvelles façons de stimuler les rendements rendus moribonds par les plans de relance de la banque centrale. Ils permettent du même coup aux fonds spéculatifs et aux autres investisseurs de parier à meilleur marché sur une éventuelle chute après la reprise de plus de 145 % des obligations de pacotille depuis 2008.

« La prolifération de ces nouveaux produits structurés est le signe incontestable d'un sommet », explique Lawrence McDonald, stratégiste principal chez Newedge USA LLC et auteur du livre A Colossal Failure of Common Sense qui traite de la chute de Lehman Brothers Holdings Inc. en 2008. « Lorsque le marché a atteint son sommet en 2007, on voyait ce genre d'innovations, et plusieurs investisseurs ne s'en sont pas rendu compte. Ces produits sont un indicateur clair de risque. »

Amplifier les gains

Ces nouveaux produits traduisent également la confiance des investisseurs face à la perspective économique. On prévoit que le produit intérieur brut des États-Unis s'accroîtra à un rythme annualisé de 3,1 % au cours de ce trimestre et du suivant avec la consolidation du marché du travail, selon l'estimation médiane de quelque 75 économistes sondés par Bloomberg.

JPMorgan a mis sur le marché des swaps sur rendement total arrimés à l'indice Markit's iBoxx USD Liquid Leveraged Loan, un indice de référence pour le marché des prêts syndiqués évalué à 750 milliards US, selon un rapport de Morgan Stanley publié le 11 juillet. Ces swaps permettent à l'investisseur de payer des frais en échange d'un rendement total sur l'indice à l'expiration de la position. Si une perte est enregistrée, l'investisseur compense la contrepartie.

Les swaps sur rendement total permettent aux investisseurs d'augmenter leurs gains parce qu'ils peuvent parier sur un bassin plus important de créances, tout en mettant de côté un montant plus petit en garantie. Si les dérivés existent depuis des années, ces swaps sont les premiers à être arrimés à l'indice. Cela donne aux investisseurs un indice à répliquer, ce qui favorise des échanges plus rapides et plus faciles. Cette situation n'est pas sans rappeler le marché des swaps sur défaillance qui s'est développé à une vitesse folle juste avant la crise financière.

Jessica Francisco, porte-parole de JPMorgan, a refusé de faire un commentaire.

« Certains fonds doivent multiplier les placements pour obtenir les rendements auxquels s'attendent les investisseurs », a affirmé Peter Tchir, chef de la stratégie macroéconomique chez Brean Capital LLC à New York, dans un entretien téléphonique. « Nous entrons dans une phase où les produits nébuleux sont de plus en plus présents. Cela risque de causer des problèmes dans le futur. »

Les mesures de relance extraordinaires de la Réserve fédérale pour stimuler la croissance après la crise du crédit ont poussé les investisseurs à sacrifier la protection pour obtenir des rendements, les taux d'intérêt de référence restant proches de zéro pour la sixième année consécutive.

Goldman Sachs prévoit lancer ses premières obligations structurées avec une opération de placement de 1 milliard d'euros, selon un rapport de Standard&Poor's publié le 24 juin. Les obligations, qui pourraient être vendues en septembre, sont garanties par un bassin renouvelable de valeurs à revenu fixe, notamment des titres adossés à des créances.

Les analystes de Societe Generale SA comparent ces projets de financement aux titres de créances adossés qui ont gonflé le boom immobilier en regroupant des créances risquées sous forme de titres qui étaient ensuite vendus à des investisseurs souvent assortis d'une notation excellente (AAA).