Le marché des obligations est généralement un bon baromètre de la perception des investisseurs quant aux perspectives économiques et aux risques associés aux marchés financiers. C'est lorsque les choses vont bien que les taux montent. Que penser alors du fait que les taux des obligations américaines de référence soient sensiblement à la hausse depuis le mois d'août?

Le 24 juillet, alors que les craintes d'un éclatement de la zone euro étaient des plus élevées, les titres du Trésor américain venant à échéance dans 10 ans se négociaient à 1,41%. Les obligations du gouvernement américain sont reconnues comme une valeur refuge au cours des périodes d'incertitude et de grandes tensions sur les marchés.

Mais depuis ce jour, Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE), et Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale (Fed), ont successivement annoncé des mesures surprenantes par leur vigueur. En Europe, Mario Draghi a prévenu que la BCE n'avait pas de limite quant au montant de ses achats d'obligations de pays en difficulté. Aux États-Unis, Ben Bernanke en remettait en annonçant, prématurément au dire de plusieurs, un troisième programme d'assouplissement quantitatif (QE3).

À la suite de ces actions, le taux sur les obligations du gouvernement américain s'est éloigné du creux de cet été et, le 14 septembre, au lendemain de l'annonce du QE3, le taux de rendement des trésors à 10 ans était remonté jusqu'à 1,87%, note Guy Liébart, président de Gestion Sodagep.

Le succès des banques centrales

Les banques centrales, autant européenne qu'américaine, ont injecté, et continueront de le faire, des sommes énormes dans l'économie en rachetant des obligations des gouvernements, des titres de dette de pays en difficulté, et même des titres adossés à des créances hypothécaires, comme la Fed l'a annoncé le 13 septembre.

Le but de toutes ces interventions est de retirer du bilan des banques ces actifs risqués, et souvent non productifs, afin de libérer chez elles les liquidités qui leur permettront de faire des prêts qui vont stimuler l'économie.

Cette remontée des taux obligataires signifie que les banques centrales ont atteint une partie de leurs objectifs, soit de réduire les tensions provenant de la zone euro. «Ce qui a le plus d'impact sur les taux actuellement, c'est ce que les Européens ont réussi à faire», dit Paul-André Pinsonnault, économiste principal, revenu fixe à la Financière Banque Nationale.

Alors qu'il y a à peine deux mois, l'éclatement de la zone euro semblait de plus en plus inévitable, le risque apparaît maintenant beaucoup moins grand, comme en fait foi le taux sur les obligations de l'Espagne qui est passé de 7,79%, niveau considéré comme insoutenable pour le financement du pays, à 3,64%.

Mais la partie n'est pas gagnée pour autant, prévient Jean-François Pépin, vice-président principal et cochef de l'investissement chez Addenda Capital. «Il y a certes des signes de progrès en Europe, mais quant à savoir si les mesures auront les effets espérés à plus long terme, le débat est encore ouvert», dit-il.

Un marché plus risqué

Néanmoins, les taux pourraient continuer de monter encore quelque peu d'ici la fin de l'année, prévoit M. Pépin. La hausse des taux va un peu à l'encontre de ce que les investisseurs prévoyaient il y a quelques mois, car l'amélioration de la situation en Europe en a surpris plusieurs. Le mouvement à la hausse des taux obligataires pourrait donc se nourrir de lui-même et persister pendant encore un certain temps.

Par conséquent, le marché des obligations devient un peu plus risqué pour les investisseurs, car la hausse des taux se traduit par une baisse du prix des obligations, ce qui vient annihiler une partie du rendement réalisé grâce aux intérêts.

Une hausse des taux obligataires pourrait également confirmer que l'économie américaine se remet sur pied. En effet, dès que l'on possédera suffisamment d'éléments permettant de croire que l'économie américaine est bien relancée, les taux auront tendance à monter, car on craindra une reprise de l'inflation. Mais ce n'est sûrement pas encore le cas, estime Paul-André Pinsonnault.