On aurait pu croire que l'effort pour revitaliser les banques espagnoles que viennent de consentir les membres de la zone euro serait suffisant pour soutenir les marchés boursiers pendant quelque temps.

Les membres de la zone euro ont accepté l'appel à l'aide du premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, et ont annoncé samedi qu'ils prêteraient jusqu'à 100 milliards d'euros au gouvernement espagnol pour que celui-ci les remette aux banques en difficulté.

À court terme, cette injection de capitaux aurait pu calmer le jeu et forcer les spéculateurs à renverser, du moins en partie, leurs positions par lesquelles ils pariaient contre l'euro, souligne Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Financière Banque Nationale. La conséquence aurait été de freiner la hausse du dollar américain, et du même coup de redonner un peu de souffle aux prix des commodités. Cela aurait dû inciter les investisseurs à se tourner vers les actifs plus risqués, telles les Bourses.

Mais l'enthousiasme suscité par l'annonce a été de très courte durée. Après avoir gagné 5% à peine quelques minutes après l'ouverture du marché hier matin, le principal indice de la Bourse de Madrid, l'IBEX 35, a tout reperdu et clôturé la séance à la baisse de 35 points, soit 0,54%.

Les grands marchés européens ont aussi rapidement cédé les gains matinaux. À Francfort comme à Paris, les indices ont bondi de 2,5% pour ensuite terminer la journée avec un gain minimal de 10 points pour le DAX à 6141, et une perte de 9 points pour le CAC40 qui a clôturé à 3042 points.

Quant au marché de la dette, les obligations espagnoles ont terminé la journée au-dessus de 6%, dans l'attente de la réaction des agences de crédit devant l'augmentation de la dette du gouvernement.

Même constat du côté américain. Les Bourses avaient pourtant retrouvé un certain élan haussier mercredi dernier, lorsque la Banque de Chine avait annoncé une baisse de taux d'intérêt, une première depuis 2008.

Toutefois, elles n'ont pas réussi à maintenir cette tendance hier. Tous les indices ont terminé la séance à la baisse, et celle-ci s'est accentuée durant la dernière heure. Le Dow Jones a reculé de 1,43%, le S&P 500 de 1,26% et l'indice S&P/TSX de Toronto de 0,86%.

Payer Visa avec MasterCard

Selon Joseph Stiglitz, ex-lauréat du prix Nobel en économie, on ne fait que tourner en rond et on n'apporte aucune solution aux problèmes économiques majeurs que connaît l'Espagne, où le taux de chômage avoisine 25%. En entrevue à CNBC, M. Stiglitz, ancien conseiller du président Bill Clinton, déclare qu'il s'agit d'une théorie économique vaudou qui ne mènera nulle part. «Le gouvernement sauve les banques en leur prêtant l'argent emprunté aux membres de la zone euro. Ensuite, les banques sauveront le gouvernement en achetant grâce à ces prêts les obligations du gouvernement», dit-il.

Le stratagème n'échappe pas aux gestionnaires de portefeuilles. «On paie Visa en empruntant sur MasterCard», dit Marc Christopher Lavoie, gestionnaire et expert sur les questions de l'Europe chez Hexavest.

Surtout que ce mécanisme d'aide envers les banques affaiblira la position du gouvernement espagnol quant à son endettement. Dans les faits, on ajoutera peut-être jusqu'à 100 milliards à la dette existante si les banques utilisent la totalité de cette nouvelle marge de crédit mise à leur disposition. «La dette du gouvernement espagnol passera à 90% de son PIB», estime M. Lavoie.

Il n'y aura donc pas de répit sur les marchés au cours des prochaines semaines, et il faudra composer à nouveau avec beaucoup de volatilité, croit le gestionnaire.

On assistera à une succession d'événements significatifs au cours des prochaines semaines. D'abord, les élections en Grèce le 17 juin. Puis, la réunion de la Réserve fédérale les 19 et 20 juin, en même temps que la rencontre des ministres des Finances des membres de la zone euro. Finalement, les chefs d'État européens se réuniront les 28 et 29 juin.

Le point de mire des investisseurs demeurera les banques centrales. La situation pourrait se détériorer à un point tel qu'une intervention massive des banques centrales deviendra nécessaire. «C'est ce qui pourrait ultimement permettre aux marchés boursiers de se ressaisir au cours de l'été», dit M. Lavoie.