On se plaint de leurs frais élevés, de leurs files d'attente et de leurs heures d'ouverture limitées. Mais les banques canadiennes ont une qualité très recherchée depuis la crise de Wall Street: la solidité. Selon le dernier classement du magazine Bloomberg Markets, elles sont les plus solides au monde.

Le Canada compte quatre banques parmi le top 6 du classement, dominé par la Oversea-Chinese Banking de Singapour et la BOC Hong Kong Holdings. Vient ensuite le festival des banques canadiennes: la CIBC (3e rang), la TD (4e), la Banque Nationale (5e) et la Banque Royale (6e). La Banque Scotia arrive au 18e rang.

Depuis un an, la Banque Nationale est passée du troisième au cinquième rang au classement de Bloomberg Markets. Une petite glissade qui ne préoccupe pas la plus importante banque au Québec, bien au contraire. «Notre ratio de capital a diminué parce que nous avons fait deux acquisitions (Wellington West et les activités de courtage de HSBC), nous avons acheté des actions et nous avons fait croître le dividende à nos actionnaires, dit Ghislain Parent, chef des finances de la Banque Nationale. Dans ce contexte, c'est très satisfaisant d'être dans le haut du classement encore cette année.»

Belle remontée de la CIBC

En Amérique du Nord, aucune banque n'est aussi solide que la CIBC, dont le conseil d'administration est présidé par l'homme d'affaires montréalais Charles Sirois. Cette distinction aurait été impensable il y a à peine une décennie, alors que la CIBC se débattait encore avec son implication dans le scandale Enron, qui s'est soldée par une entente à l'amiable de 3 milliards CAN en 2004. «À une autre époque, la CIBC était la banque canadienne qui courait le plus de risques. Aujourd'hui, elle est celle qui court le moins de risques», dit Laurence Booth, professeur de finances à l'Université de Toronto.

Les banques canadiennes sont bien gérées, soit. Mais si les honneurs ne cessent de rejaillir sur elles depuis la crise de Wall Street, c'est beaucoup à cause des politiciens fédéraux qui ont toujours prôné une réglementation serrée.

«Notre système réglementaire permet à nos banques d'être sécuritaires», a indiqué le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, par courriel à La Presse, rappelant que les banques canadiennes ont été reconnues comme les plus solides au Forum économique de Davis depuis quatre ans.

«Le système canadien ne favorise pas une concurrence excessive, dit Jean Roy, professeur de finances à HEC Montréal. C'est une situation assez particulière: les banques ont systématiquement une bonne rentabilité au Canada, ce qui leur permet d'être bien capitalisées. Ça évite d'avoir à supporter des faillites de banques.»

Des fusions bloquées

La belle histoire des banques canadiennes aurait pu être bien différente si le gouvernement fédéral leur avait permis de fusionner en 1998.

«Je craignais le manque de concurrence pour les PME dans les régions rurales, mais c'était surtout une question de concentration, se rappelle Paul Martin, ministre fédéral des Finances à l'époque. Si on permettait les fusions BMO-Royale et CIBC-TD, la Nationale et la Scotia auraient ensuite été achetées. Les banques auraient été trop grosses. Personne ne pensait que ça pouvait arriver dans le temps, mais si une des deux grosses banques avait été en difficulté, elle aurait été obligée de fusionner avec l'autre.»

Selon certains experts, les banques suisses sont en réalité un peu plus solides que leurs collègues canadiennes. Selon les ratios de Bâle II, les banques suisses gardent environ 17% de la valeur de leurs activités en capital pour garantir leurs activités, comparativement à environ 13% pour les banques canadiennes.

«En Suisse, les banques sont très importantes pour l'économie, beaucoup plus qu'au Canada. C'est pourquoi les Suisses n'ont pas voulu courir de risques», dit le professeur Laurence Booth. Les banques canadiennes sont aussi avantagées par une économie en meilleur état.

Croissance modeste

Les banques canadiennes paient toutefois un prix pour leur solidité: leurs perspectives de croissance sont plus modestes. «Les banques canadiennes ne peuvent pas faire grand-chose pour croître. C'est plate, mais c'est bien comme ça», dit le professeur Laurence Booth.

«Nous ne nous ennuyons pas, réplique Ghislain Parent, de la Banque Nationale. Au fond, c'est une question de culture: nous voulons une croissance rentable de nos activités, mais avec une philosophie prudente. C'est pourquoi nous avons un ratio de pertes sur prêts parmi les plus bas au Canada.»