À la Bourse, les perceptions changent rapidement. Un jour, la demande excède fortement l'offre, et on croit qu'elle ne se tarira jamais. Mais le lendemain, on réalise soudainement que l'offre et la demande sont plutôt en équilibre et que la valeur accordée à la rareté d'un bien était nettement surévaluée. Les actionnaires de Potash Corp. of Saskatchewan (T.POT) ont vécu l'expérience.

«L'offre d'achat clairement opportuniste de BHP Billiton sous-évalue grossièrement la valeur du plus grand producteur de fertilisants.» C'est en ces termes que Bill Doyle, président de Potash, a rejeté l'offre évaluée à 40 milliards de dollars que lui a faite le conglomérat anglo-australien en août 2010.

M. Doyle a expliqué que la potasse apportait à sa société une valeur exceptionnelle de rareté. Il s'appuyait sur le fait que la croissance de la demande agricole allait être énorme tandis que la capacité de production serait restreinte. Les prix, dont celui de la potasse, ne pouvaient donc que monter.

Parce qu'il considérait la potasse, ingrédient clé pour les fertilisants, comme une ressource stratégique, le gouvernement canadien a bloqué la transaction, car il jugeait qu'elle n'était pas avantageuse pour le Canada.

Enfant chéri des spéculateurs

Potash a connu une hausse exponentielle en 2007 jusqu'à mai 2008, passant de 60$ à 250$. On se souviendra que cette période a été celle des spéculateurs. La demande financière de matières premières et de commodités de toutes sortes avait fait bondir les prix. Celui de la potasse a quadruplé durant cette période.

Mais il n'a fallu ensuite que six mois pour que le titre retombe à 60$, emporté par la crise financière et la récession qui a suivi.

C'est un an et demi plus tard, lorsque le titre était remonté au-dessus de 100$, que BHP a offert 130$ pour les actions de Potash. Le cours de l'action a alors grimpé rapidement à plus de 160$, car les investisseurs escomptaient une surenchère.

Malgré la fin de non-recevoir du gouvernement canadien, à l'automne 2010, la bonne fortune de Potash s'est poursuivie pendant quelques mois. Le 26 janvier 2011, le cours de l'action atteignait 180$. Pour maintenir cet élan, la direction a annoncé qu'elle doublait le dividende et qu'elle allait fractionner l'action 3 pour 1.

Mais elle allait perdre ce pari. En effet, depuis ce jour, le titre a perdu 50% de sa valeur, et se négocie actuellement à 41$ compte tenu du fractionnement, un prix inférieur à celui qu'avait offert BHP.

Plus de capitaux disponibles pour la potasse

La demande pour la potasse est bonne et va continuer de l'être, mais la denrée n'est plus rare, explique Luc Fournier, gestionnaire d'actions canadiennes pour l'Industrielle Alliance. «Il y a suffisamment d'investissements dans la potasse qui font que l'offre n'est pas déficiente, comme on pouvait le croire il y a un an ou deux», dit-il.

Comme BHP n'a pu acquérir Potash, son capital peut être investi dans d'autres projets, ce qui augmente la capacité de production de potasse, ajoute Alex Ruus, gestionnaire de portefeuilles chez Blumont Capital. «Cette augmentation de l'offre a un impact négatif sur le prix», dit-il.

À court terme, il ne perçoit pas d'élément catalyseur qui pourrait propulser le prix de la potasse et celui de l'action de l'entreprise de la Saskatchewan. Ce n'est pas un titre qui peut rapidement s'envoler et duquel on dirait: «Wow, quelle occasion ratée», ajoute Luc Fournier.

À plus long terme, les perspectives demeurent néanmoins intéressantes. «Potash possède les meilleurs actifs en matière de potasse du monde», dit Alex Ruus. Sa capacité de générer des bénéfices et des flux de trésorerie est bonne et en fait un titre de qualité, surtout à son cours actuel. Mais il reconnaît que l'ensemble du secteur des commodités traverse une période difficile qui semble vouloir se poursuivre.

À l'Industrielle Alliance, on maintient un investissement dans Potash égal à sa pondération dans l'indice, soit une position neutre, confirme Luc Fournier. «On s'attend à une croissance graduelle du titre équivalant à 12 à 13 fois celle de ses bénéfices», dit-il.